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avoir assiste aux plus chauds episodes de la bataille, et, apres tant
d'efforts, au bout d'une si longue lutte, aucun ne pouvait croire a une
defaite.
Cependant le doute n'etait pas possible. Les corps qui avaient garde
leur cohesion se repliaient aussi. De meme l'artillerie, dont le
roulement sonore sur la terre gelee etait domine de temps a autre par
les cris des blesses qui avaient ete deposes en travers des caissons ou
ils etaient horriblement secoues. Tout cela s'apercevait a peine
dans l'obscurite, tout cela se devinait plutot. Parfois pourtant les
silhouettes se dessinaient nettement, quand le hasard de la marche sur
le terrain amenait une troupe entre la flamme et nous.
A cette heure navrante, un homme connaissait seul toute la profondeur du
desastre, et sur lui s'appesantissait la lourde charge de rallier et de
sauver tous les debris qui s'eparpillaient a plusieurs lieues. Comme
l'athlete qui a besoin de sentir une resistance pour deployer sa force,
le general Chanzy se raidit contre l'insucces et alors il apparut plus
grand que dans la victoire. Assumant sans hesiter la responsabilite de
diriger, en meme temps que le sien, le 17e corps prive de son chef, il
employa les premieres heures a retablir l'ordre dans les bataillons
disperses. A chacun fut immediatement assignee une place, et il y fut
conduit, s'y arreta, pour que le combat put reprendre le lendemain, si
l'ennemi se montrait entreprenant.
Tandis que, le regiment ayant ete maintenu dans ses positions de
Terminiers, nous n'avions d'autre preoccupation que de trouver dans
le village quelque nourriture et un abri, Chanzy, descendu de cheval,
allait y passer la nuit a rendre compte de la journee au general
d'Aurelle et a regler dans le detail la retraite qui s'imposait devant
un ennemi trop nombreux. Nos recherches furent vaines. Les Allemands
n'avaient evacue Terminiers que l'avant-veille: il n'y avait pas a
glaner derriere eux et l'humanite ordonnait de laisser aux blesses qui
arrivaient les refuges qu'offraient les maisons toutes abandonnees du
village. Un pailler toutefois nous offrit de quoi garnir legerement le
sol de nos tentes. Mais le general Chanzy se souvint que nous avions
ete gardes en reserve. Vers dix heures, notre bataillon recut l'ordre
d'aller se poster en grand'garde a un kilometre. Les tentes abattues,
notre bagage ficele a la diable, charges de quelques poignees de paille,
nous nous acheminames en avant, guides par les flammes v
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