sac comme oreiller, la terre est proche; les moindres bruits
parviennent vite a l'oreille. A peine dormions-nous, que le galop d'un
cheval resonna sur le pave; il allait vers la tente du colonel. Funeste
avertissement. Quelques instants apres, tente a bas, sac au dos et
en marche. En contremarche, plutot. Au bout d'une heure de promenade
penible dans les decombres, nous nous retrouvames sur notre premier
emplacement. Il pleuvait, par surcroit. Nos paillasses, en partie
dispersees, etaient toutes trempees. Il fallut neanmoins s'en contenter.
Mauvaise nuit pour un fievreux.
La journee suivante se passa au bivouac, sur le qui-vive. Les sacs,
boucles des le matin, gisaient en tas pres des faisceaux. Tous les
chevaux etaient selles, les pieces attelees. Au premier coup de clairon,
le corps d'armee pouvait s'ebranler tout entier. Une batterie pourtant
etait en position vers l'est. Quelques hommes, au risque de se rompre
les os, s'etaient hisses au faite des ruines de la derniere maison
brulee. De cet observatoire branlant, ils decouvraient la campagne
jusqu'a la ligne de l'horizon perdue dans la brume; ils crurent
distinguer des reconnaissances de uhlans. Le canon cependant grondait
sur un autre point. Par deux fois, on prit les armes: fausses alertes.
Allions-nous attendre l'ennemi? courir a sa rencontre, ou le fuir?
En verite, personne ne le savait. Le general de Sonis, fier d'avoir la
veille deloge les Prussiens du camp de Brou, ne pouvait pas exiger tous
les jours les fatigues qu'il avait imposees a la division Deflandre.
Pres de cinquante kilometres en vingt-quatre heures, sans sac il est
vrai, avec un combat pour reprendre haleine, le Cid n'eut guere fait
plus; mais le 17e corps n'etait pas compose exclusivement de heros
pareils et les Prussiens valaient bien les Maures. Quoi qu'il en
soit, notre chef, tout en jugeant nos positions de defense peu sures,
n'envisageait pas sans revolte l'idee de reculer, au lendemain d'un
succes qui en revanche devait provoquer, pour une contre-attaque
serieuse, la concentration de plusieurs corps ennemis.
Tandis que le general balancait comme un heros de tragedie,
entoure--ainsi que d'un choeur antique de confidents--de tous ses
lieutenants et chefs de corps, le ministre de la guerre et le commandant
en chef s'effrayaient d'une telle ardeur chevaleresque. Apres avoir
renonce a stimuler le zele du general Durrieu, ils s'efforcaient de
moderer l'activite de son successeur, lui telegra
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