nches qui lui couvrait a peine les hanches, il pretait
naturellement a la raillerie; sa mine effaree, quand il entendit parler
de l'approche des Prussiens, provoqua un franc rire. Cependant il y
avait quelque chose de touchant dans son desespoir. Peut-etre avait-il
peur pour sa propre personne; mais, a coup sur, il souffrait davantage a
cause de son cheval. La pauvre bete, n'en pouvant plus, devait continuer
a trainer son lourd fardeau. Le maitre la caressait, la flattait comme
il eut fait a un enfant, toutes les fois qu'un coup lui etait administre
par l'un ou par l'autre. Or bientot un second officier vint accroitre la
charge du bidet, qui n'en recut que plus de horions. Affole, le paysan
supplia le nouveau venu et l'autre officier d'avoir pitie d'eux. Ce
fut en vain. Alors, pour ne pas voir mourir son serviteur, le maitre
s'eloigna, disparut. Force me fut de prendre la conduite de l'equipage
jusqu'au soir.
A la tombee de la nuit, nous decouvrimes de loin la masse sombre de
la foret de Marchenoir, et, sur la lisiere, les lignes des prismes
blanchatres des petites tentes. Les bivouacs fumaient et flambaient. Le
terme de la retraite etait atteint, Dieu merci. Le regiment campait a
Saint-Laurent-des-Bois. Nareval, Daries et moi, nous fimes avec notre
char une entree triomphale. Les applaudissements ne nous manquerent pas,
car nous apportions des vivres bien necessaires apres un si long jeune.
Ma charrette menacait par exemple de m'embarrasser autant qu'elle
m'avait ete utile. Mais son proprietaire n'avait pu se resigner a la
perdre tout a fait de vue; il sut en tout cas nous retrouver, quoiqu'il
feignit de n'avoir plus sa tete. Feinte ou realite, il se livra a de
telles extravagances, qu'apres lui avoir fait partager notre soupe, nous
nous empressames de lui rendre sa liberte. Du meme coup il recouvra son
calme et son air primitif de placide ahurissement.
III
"Votre retraite de Chateaudun sur Ecoman s'est faite avec un peu trop de
precipitation", ecrivait au general de Sonis le commandant en chef, qui
ajoutait paternellement: "Ne vous inquietez pas de cet insucces et n'en
prenez aucun tourment". Il etait donc avere que, sans avoir le droit de
s'endormir sur ses lauriers, le 17e corps avait besoin de se refaire de
ses steriles efforts. Il lui fut accorde deux jours de repos, que chacun
employa a reparer le desordre de sa toilette, ou, tout au moins, a faire
sa toilette. Coquetterie a part, c'etait un soin leg
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