avec l'aube, je me reveillai
pourtant. Le besoin de secouer l'engourdissement du sommeil me poussa
a m'agiter hors de ma tente: je me trouvai si dispos, si alerte, que
j'esperai mieux resister a une seconde epreuve. Faible espoir, car j'eus
l'ennui de constater que, ressemblant aux heros par les mauvais cotes,
j'avais, comme Achille, le talon entame.
Par bonheur, nous ne devions pas quitter Mer tout de suite. Cette ville,
qui compte normalement 4 000 ames, etait alors entouree et farcie de 12
000 hommes de troupes de toutes categories et de toutes couleurs.
Avec nous, les chasseurs campaient alentour. Au centre de la cite, un
regiment de mobiles occupait la halle, qui offrait veritablement le
spectacle d'une ruche gigantesque. Des moblots y apparaissaient en
effet, non seulement fourmillant au ras du sol, mais encore allant
chercher le repos sur les piles de sacs qui attendaient l'ouverture du
marche. Dehors, sur la place, dans les rues, aux carrefours, partout
s'ebrouaient, piaffaient, ruaient, des chevaux au piquet, et
quelques-uns stationnaient tete basse, criniere tombante, leurs grands
yeux mornes. Le long des grandes voies, s'alignait le materiel de
l'artillerie. Canons a la longue gueule elevee, hardie, caissons
lugubres comme des cercueils, forges roulantes, fourgons, fourrageres,
enfin le train de la 2e division du 17e corps d'armee.
Sous l'impulsion du general Durrieu, un divisionnaire authentique,
graine d'epinards rare a ce moment-la, le corps d'armee s'agglomerait
graduellement, sans precipitation, sans hate exageree. Cette prudence
semblait s'imposer avec des formations improvisees, comptant--j'en
fournissais la preuve--des volontes meilleures que les jambes.
A la tete de la 2e division etait place le general de brigade du Bois de
Jancigny, la veille colonel de gendarmerie. Bientot un autre brigadier,
depuis lors celebre, allait etre designe pour remplacer le baron
Durrieu, trop methodique et trop lent au gre du ministre de la guerre.
Le 17e corps etait offert par le telegraphe au general Gaston de Sonis,
pendant qu'il cherchait vainement a Chateaudun d'introuvables regiments
de cavalerie avec lesquels il brulait de charger.
Moi aussi, je profitai du trouble des temps pour avancer
vertigineusement en grade. Le haut galon de sergent-fourrier me fut
decerne a Mer. M. Eynard, promu lui-meme capitaine, repondit a mes
remerciements en me promettant de me faire avoir sous peu, si je
continuais de bien s
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