ntes dressees sur les remparts. Il me parut bon d'aller verifier
mon havresac.
La nuit etait venue, et le firmament n'en etait pas moins tout eclaire.
Il resplendissait comme dans l'embrasement d'un immense incendie, et
cette rougeur paraissait devenir de plus en plus intense. Par toute la
voute celeste, les nuees semblaient teintes d'un reflet sanglant, depuis
la dentelure noire des Pyrenees jusqu'a la ligne lointaine de l'horizon
sur la Mediterranee.
Sur le rempart, le spectacle, quoiqu'a peine distinct par contraste,
etait saisissant. Bien que le couvre-feu fut sonne, presque tous les
hommes etaient debout hors des tentes, qui dessinaient en triangles
leurs silhouettes blanchatres sur la terre noire, et quelques ombres
humaines s'agitaient, gesticulaient, parlaient.
Dominant ma poignante impression, je me dirigeai vers mon bastion, en
cherchant d'eloquentes paroles, pour user sur mes camarades de ma jeune
et faible autorite. Mais, au pied de l'antique donjon qui se dresse
la, regardant le Canigou du cote de l'Espagne, deux officiers me
devancaient. Ils allaient d'un pas resolu. C'etait le commandant du 22e
de ligne, suivi d'un capitaine.
Ils aborderent un premier groupe qui, a leur approche, s'etait resserre.
Le commandant ayant dit qu'il fallait rentrer sous les tentes, un
murmure s'eleva. Les officiers s'avancerent encore, et le groupe
s'ouvrit, mais pour se refermer aussitot comme une vague. D'autres
hommes accoururent, entraines par un courant invincible, et, en un clin
d'oeil, un cercle etroit enferma les deux officiers, et le commandant
tomba.
A ce moment, d'autres officiers survinrent en nombre. C'etaient les
notres. Ils acheverent de rompre le charme funeste qui avait plane sur
la citadelle, en nous apportant l'ordre de depart pour le lendemain
meme.
Trois de nos compagnies actives etaient designees, dont la mienne, et
il ne s'agissait plus d'aller a Bellegarde ou a Montlouis. Cette fois,
c'est vers le Nord que nous serions diriges. Vers l'ennemi, enfin.
Ah! la noble activite qui regna en cette nuit si mal commencee. L'ardeur
de tous etait egale. C'etait a qui se preterait aide mutuelle, pour que
rien ne clochat, pour qu'il n'y eut aucun retardataire. A l'aube, apres
une veillee feconde, le ciel etait redevenu d'un bleu pur et profond:
la soiree ensanglantee par l'aurore boreale ne m'apparaissait plus que
comme un vain cauchemar.
Mais, avant le depart, le commandant du 22e, qui savait bien q
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