taires. Le depart avait ete
si imprevu, si prompt, que beaucoup avaient appris la levee du camp
lorsque nous etions loin. Harel etait de ce nombre. Il nous rejoignit a
temps, mais furieux d'etre en faute. Les vifs reproches du lieutenant ne
le calmerent point. Il s'en prit naturellement a moi, qui avais eu soin
de boucler vivement son sac et de le mettre aux bagages. Cette injustice
m'indigna: oubliant la difference de grade, je le rabrouai vertement.
Tandis qu'il se perdait dans la foule, l'attention generale fut attiree
vers une scene analogue, dont les consequences devaient etre plus
graves. L'altercation avait lieu entre un caporal et un sergent-major du
2e bataillon, les roles etant, il est vrai, renverses.
L'un des derniers arrives, le caporal, soit qu'il se fut echauffe en
voulant rejoindre son rang, soit qu'il eut trop essaye de se rafraichir,
avait le visage enflamme, l'air surexcite. A une observation de son
chef, il repliqua, et le sous-officier s'avanca d'un air courrouce. Le
caporal le saisit par le plastron de la capote, assez violemment pour en
arracher un des boutons. Si le caporal etait avine, ce geste, malgre
sa brusquerie, pouvait etre celui d'un interlocuteur tenace, importun,
grossier, si l'on veut, sans intention brutale. Mais ce point ne devait
jamais etre eclairci.
Cent cinquante personnes avaient ete temoins du fait en lui-meme,
y compris les officiers. Irrites deja du relachement que denotait
l'interminable defile des retardataires, nos chefs etaient mal prepares
a l'indulgence. Ordre fut donne de saisir le caporal et de le desarmer.
Le malheureux etait inculpe de voies de fait envers un superieur.
Aussitot degrise ou calme, il demeura stupefait, pret sans doute a faire
des excuses, a s'humilier. Car, deja mur, marie, assurait-on, et pere
de famille, il n'avait plus la fougue de la prime jeunesse. Rengage
volontairement a bonne intention, il dut regretter vite un premier
mouvement inconsidere; mais on ne lui demandait plus rien. Rien que sa
vie. Il etait pris dans l'engrenage de la justice militaire, terrible
instrument que la necessite du salut commun rendait impitoyable.
Retenu par ce penible incident, j'avais laisse envahir les wagons.
J'errais le long de la voie, demandant distraitement une place a chaque
portiere. Mentalement, j'etablissais une relation entre ma situation et
celle du miserable caporal; je fremissais a l'idee qu'il eut pu dependre
d'un mauvais regard de Harel, d'un g
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