libre comme moi.
Impossible de resister au besoin d'aller entrevoir, dans des rues, sur
le seuil des maisons, derriere les vitres des boutiques, une population
vivant de la vie ordinaire des peuples civilises, banale, monotone, mais
sure et non sans attrait.
Blois avait a nous montrer son chateau, que nous avions apercu de la
gare. Il est flanque de tourelles elegantes, au sommet desquelles
flottait alors le drapeau blanc a la croix de Geneve. De ce cote, il
domine un joli square, du haut d'un talus abrupt ou poussent quelques
arbustes et d'ou le lierre s'eleve en capricieux dessins jusqu'aux
premieres croisees. Elles sont ornees de balcons sculptes dans la pierre
delicatement ajouree, et elles alternent avec des panneaux peints
de couleurs vives et semes d'ecussons, d'or, d'argent, d'azur et de
gueules.
En suivant une pente raide a notre gauche, nous parvinmes devant le
portail, que surmonte une statue equestre de Louis XII en haut-relief.
Une voute ogivale, bordee de statues separees par de gracieuses colonnes
torses, conduit a la cour d'honneur, ou apparait en saillie le large
escalier de pierre qui a tente plus d'un peintre. La dut se borner notre
visite; nous n'avions pas encore acquis le droit de penetrer dans les
salles, et ne le regrettions pas: il fallait, pour entrer, permission ou
plutot ordre de la Faculte.
A ce point de vue, notre derniere journee de Blois completa les titres
de l'un de nous. Une pluie diluvienne detrempa le sol et rendit le camp
inhabitable. Pluvier, se declarant vaincu par les rhumatismes, se fit
hospitaliser.
Sans avoir le desir de l'imiter, nous trouvions tous qu'un lit de
boue, pour etre moelleux, n'en etait pas moins desagreable et en effet
malsain. La retraite et le couvre-feu sonnes, Gouzy et Nareval, bons
camarades, en depit d'un reste d'envie, m'offrirent de les accompagner
jusqu'a une ferme voisine ou ils avaient deja admirablement dormi.
Les nuits precedentes avaient ete mauvaises pour moi, grande etait ma
fatigue. Et puis, enfin, trop rigoureuse etait la sanction donnee a la
discipline, pour ne pas relever l'attrait du fruit defendu.
L'obscurite favorisa notre evasion. Il fallait gagner la ferme par de
petits sentiers courant a travers champs. Ils etaient coupes de larges
flaques d'eau, ou je m'embourbais, tandis que mes compagnons filaient
beaucoup mieux dans un chemin qu'ils avaient pratique. Derriere nous, on
marchait. D'autres soldats allaient peut-etre nous ravi
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