t, je
fis valoir que, appele a copier un ordre en arrivant au camp, je n'avais
pu collaborer a l'edification de la tente.--En verite, j'avais le
cynisme de l'avouer: j'acceptais une hospitalite volee, voyez quelle
paresse! A ces mots, en un instant, on cria baro sur le fourrier.
Tellement, que, du voisinage, le lieutenant nous pria de causer plus
bas, ce qui assura mon salut. Un supreme gemissement de Pluvier, et
chacun se morfondit dans le silence et dans l'humidite.
La pluie, comme eut dit M. de la Palisse, est un grand dissolvant; mais
je l'entends au moral. Comme elle ne s'arreta pas le jour suivant, les
tentes restaient debout; mais beaucoup d'hommes s'en echappaient,
allant chercher un abri et du feu dans les habitations du voisinage.
La discipline deja, il faut en convenir, commencait a se relacher.
J'enviais un peu les transfuges, sans vouloir pourtant, sans pouvoir
d'ailleurs les imiter, car il fallait sous l'ondee recevoir a toute
heure une distribution nouvelle et la repartir aussitot entre les
escouades. Ah! que j'eusse volontiers cede a Laurier, ou a tout autre,
le galon de fourrier, que je n'avais du reste toujours pas!
Le quatrieme jour enfin, le ciel, au reveil, nous apparut tout bleu,
sans un nuage. Le soleil se montra, et tous les hommes profitaient
avec joie de ses rayons bienfaisants pour secher leurs vetements et se
degourdir comme des lezards. Libre de toute corvee, j'allai avec Nareval
visiter une immense construction, un couvent, je crois, qui se dressait
a proximite, quand le clairon sonna a l'ordre. Nous revenons au pas de
course. Depart immediat. Il est onze heures, et a une heure le regiment
doit se trouver a la gare de Nevers.
En un clin d'oeil, les six cents tentes qui couvrent la prairie
s'effondrent. Pendant quelques instants, un mouvement indescriptible,
une agitation febrile, regnent partout. C'est comme une mer humaine.
Tous--les bras agiles, les mains prestes--tantot s'agenouillent, tantot
se levent, se courbent, se redressent, ainsi que font, au theatre, sous
la toile verte figurant l'ocean, les manoeuvres qui _jouent les flots_.
Et de cet immense desordre, de ce fouillis inextricable d'hommes et de
choses, le regiment bientot se degage, s'aligne, se meut et s'eloigne,
laissant, dans le vaste espace ou quatre nuits il a dormi, un champ de
paille fletrie, pietinee, entre des sentiers bourbeux. Six cents tas de
fumier, sur un cloaque.
A la gare, l'appel signala quelques retarda
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