des camps, pleine
et robuste, est dans son activite le prelude de sanglantes hecatombes.
Neanmoins, nous qui, arrivant, n'etions encore que des spectateurs, nous
eprouvions, par un entrainement physique, par une emulation instinctive,
quelque intime fierte et une sensualite indefinissable a nous savoir une
partie de ce tout et a avoir le droit de nous meler a son mouvement.
Le 3e bataillon n'eut pas a dresser ses tentes. Le temps de preparer son
repas, et le regiment devait se porter en masse dans la direction du
Nord. Les clairons sonnerent vers midi. Immediatement tout le monde met
sac au dos; puis la colonne s'ebranle en bon ordre et se met en marche
gaiement.
Sevres du doux climat du Roussillon, nous fumes cependant favorises,
pour cette promenade militaire, d'un dernier sourire du soleil
d'automne. Par un temps sec, la route etait excellente et le regiment
magnifique. Sur un espace d'un kilometre environ, les hommes marchaient,
deux par deux, sur chaque bord de la route, laissant circuler au milieu
le train regimentaire et les voitures d'ambulances.
Les uniformes etaient irreprochables. Relevees sur les hanches, les
capotes bleues laissaient voir, agitee d'un mouvement unique et cadence,
une longue trainee rouge, coupee a quelques centimetres de terre par
la ligne blanche, eclatante, des guetres. Au sommet des havresacs, les
gamelles neuves resplendissaient sous le soleil, comme des casques,
entre les tentes et la haie d'acier des chassepots. Le cliquetis des
armes scandait la marche, et un bruissement general, comme celui des
ecailles d'un monstre gigantesque, servait d'accompagnement aux chants
qui s'elevaient alternativement, de distance en distance. Quel effet
merveilleux! Jamais regiment marchant a la victoire fut-il plus dispos?
parut-il plus alerte et plus fier?
A un tel pas, il nous eut ete facile d'aller fort loin; mais notre
ardeur dut se borner a franchir six kilometres. Il y avait la, sur la
droite de la route, l'emplacement d'un camp, marque par la presence
d'un peloton de tirailleurs algeriens. Sur un coin de la verte prairie,
bientot jalonnee par nos adjudants-majors, les noirs Africains, dans
leur vetement d'azur galonne de jaune, accroupis devant leurs tentes,
recueillaient frileusement les rayons du soleil qui leur envoyait un
pale reflet du pays natal. De leurs yeux blancs ils semblaient nous
toiser assez dedaigneusement, tandis que, fiers de notre gros effectif,
nous ne pouvions nous em
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