on epuiser, entretenait en lui une animation
perpetuelle. Un bon chien de berger n'eut pas reuni son troupeau plus
vite qu'il nous eut rassembles. La presence de notre sous-lieutenant,
non loin de lui, le servait, a vrai dire, dans cette circonstance.
M. Houssine, echappe, lui aussi, de Sedan comme simple adjudant, avait
recu l'epaulette en rentrant au depot. Sa dignite recente le tenait a
distance de la troupe: il paraissait tellement oublier qu'il etait
issu de cette categorie subalterne, qu'il traitait les hommes tres
dedaigneusement. Mais il etait tres grand et avait les cheveux d'un
rouge eclatant, ce qui nous guidait.
Quel que fut le point de repere de chacun, l'ordre sortit en moins d'un
quart d'heure de ce chaos humain. Dix-huit doubles lignes vivantes
s'espacerent sur l'etendue du Champ de Mars. Sous la direction du
lieutenant-colonel Koch, venu du 1er regiment etranger, les compagnies
furent reparties en trois bataillons, dont le commandement fut confie au
commandant Bourrel, naguere major de place a Perpignan, au commandant
Chambeau, tire des capitaines du 5e de ligne, et au capitaine rengage
David, intrepide vieillard de soixante-dix ans, qui ne redoutait pas
d'affronter les fatigues d'une dure campagne d'hiver. Le 48e regiment
d'infanterie de marche etait constitue.
En tout pareil aux heroiques legions detruites autour de Sedan et de
Metz, il lui manquait pourtant ces deux fiers ornements dont l'un
provoquait le sourire et l'autre imposait le respect, suscitait
l'enthousiasme: pas de tambour-major a voir parader en tete de la
colonne; point de drapeau, helas! a entendre frissonner glorieusement au
milieu des rangs!
Tel quel, il lui fut accorde un court delai pour regler les derniers
details de son organisation, pour assurer la soudure de ses elements,
epars la veille, inconnus les uns aux autres, pour permettre enfin a
l'etat-major de tater et d'assouplir ce corps fait de milliers d'hommes
et de lui donner en meme temps quelque cohesion, de lui infuser l'esprit
de solidarite, l'amour collectif qui pousse hardiment vers le danger et
apprend a braver la mort. Cinq jours pour accomplir oeuvre pareille,
c'etait peu, et il fallut s'en contenter.
Tandis que chacun collaborait selon son role a l'oeuvre commune de
fusion et d'entrainement, en se montrant exact aux rassemblements,
attentif et docile durant les exercices, scrupuleux a etablir les
situations, les bons, les feuilles de journees, etc., tous, l
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