civils.
C'etait moins aise que dans un grand centre. Au cafe, parfois, a
l'auberge, les conversations engagees avec le patron, ou avec des
clients indigenes, nous avaient edifies sur les tendances radicales de
la population. Comme s'il etait vrai que l'uniforme a quelque vertu
comparable a la puissance de la tunique de Nessus, nous etions deja
imbus de l'esprit militaire, au point de ne pouvoir admettre que les
pekins osassent formuler sur les officiers des critiques dont l'idee
nous etait venue. Nous ne songions a mettre a profit nos escapades que
pour nous promener.
La ville avait ete vite exploree. Resserree dans ses murs, elle n'a pu
s'embellir comme des villes ouvertes, meme moins importantes. Mais il y
a de l'air pur au dela des remparts, et de nombreuses portes s'ouvrent
sur la campagne. L'une d'elles est flanquee d'un _Castillet_ d'aspect
romantique, et que, par parenthese, Royle, avec son instinct artistique,
trouvait tres chic. Il ajoutait en gouaillant qu'il aurait voulu y
habiter, et le malheureux n'ignorait pas que ce joli Castillet sert de
prison militaire.
Par cette porte on se rend a une belle allee de platanes, pres de
laquelle s'etend la pepiniere departementale. Sans borner nos promenades
a ces endroits frequentes, nous parcourions tous les recoins du paysage
que commande le canon de la place. Les innocentes joies du soldat
desoeuvre me furent alors revelees. Combien de fois ne nous
attardames-nous pas a choisir, tailler et eplucher des gaules dans les
saussaies, pour les jeter une heure apres? Quel interet a voir courir au
fil de l'eau d'un ruisseau des brindilles de paille jetees en amont d'un
petit pont et guettees a l'aval?
Malgre la saison avancee, le Roussillon etait encore couvert d'une
vegetation puissante, ou apparaissaient a peine quelques taches de
rouille automnale. Nous allions a travers champs, escaladant des coteaux
avant-coureurs des Pyrenees, et, de la, nous nous plaisions a regarder
scintiller au loin la mer sous les rayons du soleil. Puis, allonges
a l'ombre du grele feuillage de quelque olivier, les bras replies en
oreiller sous notre tete, nous nous laissions bercer par la brise au
parfum salin, contemplant la dentelle d'un vert pale qui doucement se
mouvait sur le champ d'azur infini.
Les semailles et les vendanges etant achevees, rien ne troublait la
calme nature, sinon, tout pres de nous, le vol de mouches obstinees
ou le bruissement d'insectes cheminant dans l'herbe
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