seche, parfois le
cri-cri solitaire d'une cigale attardee. Dans ce silence relatif, l'air
etait si sonore, que, de temps en temps, les notes perlees des clairons
nous parvenaient de la lointaine citadelle. Ce rappel a la vie militaire
nous faisait songer aux camarades etendus, comme nous, non pas sur un
lit de mousse, mais a meme la terre froide des provinces envahies.
A cette pensee, le _far niente_ nous humiliait, et dans notre ignorance
des difficultes de l'improvisation des armees nouvelles, nous eprouvions
de l'irritation contre nos organisateurs inconnus. Le vulgaire tran-tran
de la caserne nous apparaissait de plus en plus fastidieux. Pour nous
forcer au retour, il fallait que le soleil eut disparu derriere la
chaine des Pyrenees. Malgre les saillies de Bacannes, la melancolie nous
tenait, tandis que, le long des haies d'aloes aux feuilles charnues a
pointes aigues, nous nous acheminions vers les murs blanchis, cribles
de fenetres sombres, qui emergeaient carrement de la citadelle, dans la
lueur orangee du crepuscule.
Tout cela m'engourdissait le coeur, je m'en rendais compte: j'aurais
voulu chercher des reactifs dans des exercices et des devoirs penibles.
Dejouant un jour la surveillance du sergent-major, qui n'entendait pas
que les sergents missent la main sur ses scribes, je parvins a me faire
enroler dans le piquet de garde.
Sac au dos, fourniment au complet, le detachement se dirige d'un pas
cadence vers l'interieur de la ville. En portant les armes devant le
poste de police, en entendant mon pied faire resonner le pont-levis,
et mon bidon cliqueter contre la poignee de mon sabre-baionnette,
j'eprouvais une sorte de beatitude de conscience, melee de fierte
patriotique: Il en faut peu pour etre fier et satisfait, a vingt ans.
Mon piquet allait relever le poste du Castillet. J'eus donc deux fois
le plaisir d'etre pose en faction sous la voute de la porte Notre-Dame.
Pour les passants, la sentinelle en armes est la garniture obligee de la
guerite. Jamais je n'avais fait grande attention a cet ornement anime.
Or, devenu a mon tour mannequin, je croyais remplir un sacerdoce: mon
fusil bien en main, baionnette au canon, je me sentais la Force, au
service de la Loi. Pour un peu, je me fusse attribue l'honneur de
l'ordre dans lequel s'ecoulait le petit flot des promeneurs, allant aux
Platanes, et de leur calme quand ils en revenaient.
Comme treve a la banalite, je dus faire sortir le poste a la vue, aussi
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