nouvelle pour moi que pour les habitants, d'un peloton de cuirassiers de
l'ex-garde imperiale. Il venait constituer, a Perpignan, le noyau d'un
nouveau regiment.
Ces hommes superbes, a la brillante armure, etonnaient dans les rues
etroites, ou ils ne pouvaient s'engager plus de deux a la fois; mais,
avant d'atteindre la voute un peu sombre a l'autre extremite de laquelle
je me tenais, ils apparaissaient en pleine lumiere, resplendissant au
soleil, sur le fond des arbres prochains, dans la baie ogivale de
la porte exterieure. Leurs palefrois, enerves par un long voyage,
caracolaient bruyamment sur le tablier du pont-levis: les cimiers des
casques effleuraient le cintre. Dans le cadre romantique du Castillet,
avec ses deux petits bastions creneles, ce groupe de ballade figurait
assez un retour de croisade en quelque manoir feodal.
A la verite, il n'etait pas necessaire de remonter si loin pour voir des
heros dans ces hommes bardes de fer. Le souvenir recent du devouement
tragique de leurs freres d'armes, a Reichshofen, a Mouzon, les
rajeunissait, sans les rapetisser.
De grands changements s'etaient produits a la caserne pendant mes
vingt-quatre heures de garde. En dehors des deux compagnies provisoires
de depot, on en avait cree quatre autres, que l'on avait honorees de
l'epithete d'actives, et Nareval ne se tenait pas de joie: il avait
gravi le premier echelon de la hierarchie, caporal. Il etait caporal a
la 2e, tandis que je demeurais, quant a moi, simple pousse-cailloux a la
4e. Toubet, Bacannes etaient distribues dans les deux autres. De ceux
qui avaient compose notre joyeuse chambree, Royle et Daries, les deux
natures les plus dissemblables, restaient seuls avec moi. Le premier ne
me recherchait pas, estimant que, si je n'etais pas encore galonne, je
ne tarderais pas a l'etre.
Compagnie active, ce titre etait une promesse. Aussi ne marchandai-je
plus ma collaboration a notre nouveau sergent-major, digne troupier qui,
bien qu'il n'eut plus trop de scribes pour chaque compagnie, me laissait
aller a l'exercice le matin. Mon apprentissage volontaire me valut
d'etre aussitot charge d'instruire d'autres conscrits, ce qui n'est pas,
il faut en convenir, une besogne toujours facile.
L'exemple de la patience m'etait cependant donne par l'officier qui nous
dirigeait. D'un zele infatigable, toujours present sur tous les points
du terrain de manoeuvres, il ne se departait jamais de son calme; mais
il etait sombre et tr
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