grandes bottes eperonnees, paraissaient trop etroites, et ils ne
se rangeaient guere pour faciliter la circulation aux pekins, ceux-ci
fussent-ils en gardes nationaux. De la, un accroissement d'hostilite et,
dans les cafes, un redoublement de fureur bavarde. Dans le recipient que
formait l'enceinte fortifiee, tous ces petits sentiments, toutes ces
vulgaires passions cuisaient et bouillonnaient. Un eclat faillit
toutefois se produire en dehors des murailles.
Tous les Pyreneens-Orientaux ne songeaient pas a attendre les Prussiens
au pied du Canigou. Une compagnie de francs-tireurs s'etant recrutee
dans le departement, les dames du chef-lieu voulurent lui offrir un
drapeau brode de leurs mains brunies. L'autorite avait decide que la
remise en serait faite solennellement, un dimanche, sur le Champ de
Manoeuvres, qui s'etendait en vue de la citadelle.
Le temps favorisa la ceremonie. Par toutes les portes de la ville, la
foule se dirigea vers le terrain en ses plus beaux atours. Depuis les
plus vieux barbons de la garde nationale jusqu'aux tout jeunes pupilles
de la Republique, sans parler des francs-tireurs eux-memes, toute la
population masculine etait en armes, et notre regiment avait ete convie
a la fete. Nous n'avions a notre tete qu'un simple chef de bataillon,
tandis que l'armee sedentaire etait commandee par un monsieur dont le
bonnet etait orne d'au moins cinq galons: tres larges, tres espaces, ils
couvraient presque toute la coiffure, et il etait a peu pres impossible
de les compter, tant s'agitait, comme la mouche du coche, d'un bout a
l'autre du polygone, ce pseudo-colonel. A peine etions-nous alignes du
cote laisse libre, qu'il s'elanca d'un air farouche, au galop secoue
de sa maigre haridelle, pour enjoindre a notre commandant de se ranger
d'une tout autre maniere. Toujours peu endurant, notre chef riposta par
un commandement bref et net, qui fut d'ailleurs admirablement execute:
"Par le flanc droit et par file a gauche. En avant, marche! A la
citadelle!"
Le retentissement de ce scandale fut grand a nos oreilles, le soir
et pendant plusieurs jours. Pour affirmer son importance, la garde
nationale decida d'organiser une revue, le dimanche suivant, sur la
promenade des Platanes, en presence des autorites civiles. Le spectacle
militaire etait ainsi offert aux soldats par la population. Peu d'entre
nous s'en priverent.
La bonne tenue sous les armes, la rectitude des mouvements etaient, a
vrai dire, le moind
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