qu'il vit le roi Henri, et
tous les grands seigneurs de l'ile, prendre la croix.
Il fut donc resolu de porter la guerre en Egypte; mais parce que les
lois de la religion, de l'honneur et de la chevalerie ne permettaient
pas d'attaquer un ennemi sans aucune declaration preliminaire, le
monarque envoya defier le soudan qui regnait alors sur cette belle
partie de l'Afrique. Le cartel annoncait en meme temps un roi d'un
courage intrepide, et un missionnaire plein de zele pour la foi.
Malech-Sala, c'est le nom du soudan, etait somme de rendre a la croix
l'hommage que tous les hommes lui doivent, s'il ne voulait pas voir son
pays ravage par des gens qui ne craignaient rien lorsqu'il s'agissait
d'etendre l'empire de Jesus-Christ. On dit que ce malheureux prince,
soit qu'il sentit sa fin approcher (il etait gangrene de la moitie du
corps), soit qu'il craignit pour ses etats, ne put lire cette lettre
sans repandre beaucoup de larmes. Il repondit cependant avec fierte,
"que les Francais auraient moins de confiance en leur nombre et en
leur valeur, s'ils avaient vu le tranchant de ses epees qui venaient
d'enlever aux chretiens leurs anciennes et leurs nouvelles conquetes;
que jamais nation n'avait insulte l'Egypte, sans porter la juste peine
de sa temerite; que ceux qui venaient l'attaquer de gaiete de coeur
reconnaitraient bientot ce que savaient faire des troupes jusque-la
toujours victorieuses, dont la premiere journee serait la derniere
des chretiens; que les enfans, comme dit le saint Alcoran,
s'entretiendraient quelque jour de ce qui serait arrive; enfin que Dieu
permet souvent que le petit nombre remporte l'avantage sur le plus
grand, parce qu'il est toujours pour ceux qui sont humbles et patiens."
Ainsi, de part et d'autre, on ne pensa plus qu'a se preparer a l'attaque
et a la defense.
Sur cette reponse, le roi se mit en etat de partir. Grand nombre
de vaisseaux plats propres a faire des descentes, qu'il avait fait
construire en divers endroits de l'ile, se rendirent au lieu marque pour
l'embarquement, aussi bien qu'un grand nombre de navires qu'il avait
achetes des Genois et des Venitiens.
Enfin le samedi d'apres l'Ascension, l'armee monta sur la flotte, au
port de Limesson, ou elle attendit, pour faire voile, que le vent fut
favorable.
Cette flotte etait composee de dix-huit cents vaisseaux, tant grands
que petits. Il y avait dans l'armee deux mille huit cents chevaliers
francais, anglais, cypriots. A en juger p
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