ainsi, par
indifference; tu te consoles sans avoir souffert. Tant mieux, ton
organisation est la meilleure.
Adieu, mon vieux; ecris-moi donc, cela me fera beaucoup de bien. Je ne
te dis rien de ma maniere de vivre a Venise. Tu pourras lire beaucoup
de details sur ce pays, dans la _Revue des Deux Mondes_, numeros du 15
mai dernier et du 15 juin prochain, si toutefois cela t'interesse.
Je voudrais avoir ici mes enfants et pouvoir y vivre longtemps; c'est
un beau pays. Embrasse Emilie pour moi, et, si tu vois mon fils,
parle-moi de lui beaucoup. Je t'embrasse de tout mon coeur.
Ecris-moi:
_Alla Spezieria Ancillo.
Campo San-Luca.
Venise_.
CXV
A M. JULES BOUCOIRAN. PARIS
Venise, 4 juin 1834.
Mon cher enfant,
Je suis rassuree sur le compte de Maurice. Je viens de recevoir une
lettre de lui et une de Papet; mais je commence a etre serieusement
inquiete de vous, ou tres affligee de votre oubli. Buloz me mande
qu'il vous a remis, le 15 mai, cinq cents francs pour moi. Je vous
avais ecrit de me faire parvenir mon argent bien vite, parce que je
n'avais plus rien. Nous sommes au 2 juin, et je n'ai rien recu.
Je suis aux derniers expedients pour vivre, car j'ai horreur des
dettes. Maurice m'ecrit qu'il vous a envoye une lettre pour moi il y a
plusieurs jours. Rien! Qu'est-ce que cela veut dire? Votre lettre
s'est-elle perdue a la poste comme beaucoup d'autres? Au moins si
Papadopoli avait recu la lettre d'avis du banquier de Paris! mais il
n'a rien recu; l'argent n'est donc pas parti. Etes-vous tombe
subitement assez malade pour etre hors d'etat de faire cette
commission?
Depuis deux mois, vous m'avez montre une indifference excessive, et,
malgre toutes mes lettres ou je vous suppliais de me donner des
nouvelles de mon fils, vous m'avez laissee dans la plus mortelle
inquietude. Je pense que vous etes devenu amoureux et je vous connais
a cet egard: quand vous etes dans votre etat ordinaire, vous etes le
plus exact des hommes; quand vous vous eprenez de quelqu'une, vous
oubliez tout et vous partez pour le monde insaisissable. Cela est
momentane, j'espere. L'amour passe, et l'amitie se retrouve toujours,
apres avoir dormi plus ou moins longtemps. A Nohant, vous aviez cette
fievre d'oubli, et j'ai ete bien souvent effrayee de votre silence et
desesperee de n'entendre pas parler de mon fils, pendant des mois
entiers.
Mais tout cela n'explique
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