'il te dit; tu ne dois pas non plus lui faire part de ce
que je t'ecris.
Aie donc soin de laisser mes lettres dans ta _baraque_ au college; je
te les ferai remettre par Emmanuel, et tu lui remettras ta reponse
trois ou quatre jours apres.
Comprends tu bien? De cette maniere, personne ne verra ce que nous
nous ecrivons, et nous n'aurons pas de contradictions. Tu auras le
temps de lire mes lettres et d'y repondre sans te presser.
Mon ange cheri, tu es ce que j'aime le mieux au monde. Je suis venue
passer quelque temps a la Chatre; je demeure chez Duteil.
Adieu; je t'embrasse mille fois. Apprends bien d'histoire, c'est un
grand point.
CXXXVI
A M. FRANCOIS ROLLINAT, A CHATEAUROUX
La Chatre, 4 fevrier 1836.
Qu'as-tu donc, bon vieux? manques-tu de courage? t'est-il arrive
quelque chose de pis que la vie ordinaire? pourquoi es-tu si consterne
et si abattu? Ta lettre m'inquiete beaucoup. Si tu ne peux venir me
voir, et que je puisse te donner un peu de coeur, j'irai te voir la
semaine prochaine. Mon affaire est remise a quinzaine; c'est le seul
mal que le president ait pu me faire, et il l'a fait. Du reste, cette
affaire etant imperdable au dire de tous, et le ministere public ayant
conclu en ma faveur avec beaucoup de chaleur, je ne m'inquiete pas.
Mais, toi, qu'as-tu? Tu es fou avec ta mort morale! Les hommes comme
toi ne sont pas appeles a une pareille fin. Il y a, en toi, une si
grande serenite de vertu, que l'intelligence ne peut que gagner avec
les annees, et meme avec les fatigues et les douleurs. C'est la le
fouet, l'aiguillon des grandes ames. Je redoute pour toi les
preoccupations de l'amour et je crains quelque chose comme cela dans
ta tristesse. S'il en est ainsi, j'irai te voir et je te donnerai le
courage de briser, s'il le faut, des liens funestes. L'amour, tel que
la plupart des hommes et des femmes l'entend, n'est fait que pour les
enfants. Il ne convient pas aux esprits serieux; il les tiraille et
les torture sans jamais les satisfaire.
Je ferai mon possible pour t'aller voir, pour te confesser, et pour te
remettre a flot. Tu ne t'appartiens pas, mon vieux; tu n'as meme pas
le droit de souffrir pour ton propre compte. C'est une terrible tache;
mais c'est une grande destinee. Porte le joug et ne te laisse pas
tomber dessous. Tu te dois a ta famille, tu te dois a moi aussi, ton
meilleur ami. Tu me dois ce grand exemple de la force, ce grand
spectacle d
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