ises sur le champ de bataille.
Cette faute retardera la venue des temps annonces. Elle est plus grave
chez vous, qui etes des envoyes de paix et d'amour, que chez nous, qui
sommes des ministres de guerre, des glaives d'extermination.
Quant a moi, solitaire jete dans la foule, sorte de rapsode,
conservateur devot des enthousiasmes du vieux Platon, adorateur
silencieux des larmes du vieux Christ, admirateur indecis et stupefait
du grand Spinosa, sorte d'etre souffrant et sans importance qu'on
appelle un poete, incapable de formuler une conviction et de prouver,
autrement que par des recits et des plaintes, le mal et le bien des
choses humaines, je sens que je ne puis etre ni soldat ni pretre, ni
maitre ni disciple, ni prophete ni apotre; je serai pour tous un frere
debile mais devoue; je ne sais rien, je ne puis rien enseigner; je
n'ai pas de force, je ne puis rien accomplir. Je puis chanter la
guerre sainte et la sainte paix; car je crois a la necessite de l'une
et de l'autre. Je reve dans ma tete de poete des combats homeriques,
que je contemple le coeur palpitant, du haut d'une montagne, ou bien
au milieu desquels je me precipite sous les pieds des chevaux, ivre
d'enthousiasme et de sainte vengeance. Je reve aussi, apres la
tempete, un jour nouveau, un lever de soleil magnifique, des autels
pares de fleurs, des legislateurs couronnes d'olivier, la dignite de
l'homme rehabilitee, l'homme affranchi de la tyrannie de l'homme, la
femme de celle de la femme, une tutelle d'amour exercee par le pretre
sur l'homme, une tutelle d'amour exercee par l'homme sur la femme. Un
gouvernement qui s'appellerait _conseil_ et non pas _domination,
persuasion_ et non pas _puissance_. En attendant, je chanterai au
diapason de ma voix, et mes enseignements seront humbles; car je suis
l'enfant de mon siecle, j'ai subi ses maux, j'ai partage ses erreurs,
j'ai bu a toutes ses sources de vie et de mort, et, si je suis plus
fervent que la masse pour desirer son salut, je ne suis pas plus
savant qu'elle pour lui enseigner le chemin. Laissez-moi gemir et
prier sur cette Jerusalem qui a perdu ses dieux et qui n'a pas encore
salue son messie. Ma vocation est de hair le mal, d'aimer le bien, de
m'agenouiller devant le beau.
Traitez-moi donc comme un ami veritable. Ouvrez-moi vos coeurs et ne
faites point d'appel a mon cerveau. Minerve n'y est point et n'en
saurait sortir. Mon ame est pleine de contemplations et de voeux que
le monde raille, les cro
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