action
dont je vous remercie, puisqu'elle me vaut une si bonne et si
affectueuse reponse. La seule chose qui me peine veritablement, c'est
votre depart si prochain pour l'Italie. J'aurai beau faire, je ne
serai pas libre avant les vacances; mais il ne me sera plus aussi
facile d'aller vous rejoindre, car ou vous trouverais-je? Quoi que
vous fassiez, ne quittez aucune ville sans m'ecrire, ne fut-ce que
deux lignes, pour me dire ou vous etes et combien de temps vous y
restez. Rien ne me fera renoncer a l'esperance d'aller vivre quelques
semaines pres de vous. C'est un des plus doux reves de ma vie, et,
comme, sans en avoir l'air, je suis tres perseverante dans mes
projets, soyez sure que, malgre _les destins et les flots_, je les
realiserai.
Pour le moment, je ferais mal de m'absenter du pays. Mes adversaires,
battus au grand jour, cherchent a me nuire dans les tenebres. Ils
entassent calomnies sur absurdites pour m'aliener d'avance l'opinion
de mes juges. Je m'en soucie assez peu; mais je veux pouvoir rendre
compte, jour par jour, de toutes mes demarches. Si j'allais a Geneve
maintenant, on ne manquerait pas de dire que j'y vais voir Franz
seulement et de trouver la chose tres criminelle. Ne pouvant dire
qu'entre Franz et moi il y a un bon ange dont la presence sanctifie
notre amitie, je resterais sous le poids d'un soupcon qui servirait de
pretexte entre mille pour me refuser la direction de mes enfants.
S'il ne s'agissait que de ma fortune, je ne voudrais pas y sacrifier
un jour de la vie du coeur; mais il s'agit de ma progeniture, mes
seules amours, et a laquelle je sacrifierais les sept plus belles
etoiles du firmament, si je les avais. Ne quittez toujours pas Geneve
sans me dire ou vous allez. Cet hiver, je serai libre, j'aurai quelque
argent (bien que je n'aie pas herite de vingt-cinq sous: c'est un
ragot de journaliste en disette de nouvelles diverses), et j'irai
certainement courir apres vous, loin des huissiers, des avoues et des
rhumatismes.
Je n'ai pas besoin de vous charger de dire a Franz tous mes regrets de
ne pas l'avoir vu. Il s'en est fallu de si peu! Il sait bien, au
reste, que c'est un vrai chagrin pour moi. Il n'y a qu'une chose au
monde qui me console un peu de toutes mes mauvaises fortunes: c'est
que vous me semblez heureux tous deux, et que le bonheur de ceux que
j'aime m'est plus precieux que celui que je pourrais avoir. J'ai si
bien pris l'habitude de m'en passer, que je ne songe jamais a
|