yant irrealisables et funestes. Si je suis
porte vers vous d'affection et de confiance, c'est que vous avez en
vous le tresor de l'esperance et que vous m'en communiquez les feux,
au lieu d'eteindre l'etincelle tremblante au fond de mon coeur.
Adieu; je conserverai vos dons comme des reliques; je parerai la table
ou j'ecris des fleurs que les mains industrieuses de vos soeurs ont
tissees pour moi. Je relirai souvent le beau cantique que Vincard m'a
adresse, et les douces prieres de vos poetes se meleront dans ma
memoire a celles que j'adresse a Dieu chaque nuit. Mes enfants seront
pares de vos ouvrages charmants, et les bijoux que vous avez destines
a mon usage leur passeront comme un heritage honorable et cher. Tout
mon desir est de vous voir bientot et de vous remercier par
l'affectueuse etreinte des mains.
Tout a vous de coeur.
GEORGE SAND.
CXXXVIII
A MAURICE DUDEVANT, AU COLLEGE HENRI IV
La Chatre, 17 fevrier 1836.
Mon bon petit,
Voici le carnaval, tout le monde s'amuse, ou fait semblant de
s'amuser. Moi, je m'amuserais, si je t'avais, et tu t'amuserais aussi.
Je suis chez Duteil, nous passons tres gaiement les jours gras. Tous
les soirs, nous avons bal masque. Je deguise tous les enfants, Duteil
prend son violon, nous allumons quatre chandelles et nous dansons. Si
tu etais la, avec ta soeur, la fete serait complete. Helas! tous ces
mioches me font sentir l'absence des miens.
Si j'etais libre de quitter mes affaires, ce n'est pas avec eux que je
serais en train de me divertir, mais bien avec vous, mes pauvres
petits. Vous amusez-vous, du moins? Tu es sorti avec ton pere, Solange
avec ma tante; racontez-moi a quoi vous avez passe le temps. Il est
bien facile de s'amuser avec les gens qu'on aime. Pour moi, il n'y a
pas de vrai plaisir sans vous.
Aux vacances, nous nous amuserons; car s'amuser, c'est etre heureux,
et tu sais, quand nous sommes ensemble tous les trois, nous n'avons
besoin de personne pour etre joyeux toute la journee.
J'esperais etre a Paris ces jours-ci; mais les gens avec lesquels je
suis en affaires m'ont fait attendre et retardee. Il me faut donc
attendre encore quinze jours avant d'aller t'embrasser. Garde-moi des
_sorties_ pour le mois de mars, afin que je t'aie le jeudi et le
dimanche pendant deux ou trois semaines. Cette fois, c'est certain, et
je ne prevois plus d'obstacle possible a mon voyage. N'en parle
cependant pas; tu sais, u
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