asserie. Pourrai-je entrer dans ce beau chateau en
Espagne? Serai-je quelque jour assise aux pieds de la belle et bonne
Marie, sous le piano de Votre Excellence, ou sur quelque roche suisse,
avec l'illustre docteur _Ratissimo_?
Helas! je suis un pauvre diable bien miserable! J'ai toujours vecu le
nez en l'air, le nez dans les etoiles, tandis que le puits etait a mes
pieds, et qu'un tas de myrmidons crottes, criards, haineux je ne sais
de quoi, en fureur je ne sais pourquoi, tachaient de m'y faire rouler.
Esperons!
Si vous ne partez qu'a la fin de juin, peut-etre pourrai-je encore
vous aller trouver et passer quelques jours avec vous; apres quoi,
vous vous envolerez pour l'Italie, heureux oiseau a qui l'on n'arrache
pas mechamment et cruellement les ailes; et moi, plus eclopee et plus
modeste, j'irai m'asseoir sur la rive de quelque petit lac de poche,
pour y dormir le reste de la saison.
J'ai ete a Paris passer un mois, j'y ai vu tous mes amis: Meyerbeer,
sur qui j'ecris assez longuement a l'heure qu'il est (j'adore _les
Huguenots_); madame Jal[1], pour qui j'ai eu le bonheur de faire
quelque chose; votre mere, qui a eu la bonte de venir m'embrasser;
Henri Heine, qui tombe dans la monomanie du calembour, etc., etc. Je
n'ai pas vu Jules Janin et je ne sais pas s'il a ecrit contre moi.
C'est vous qui me l'apprenez; je n'irai pas aux informations. J'ai le
bonheur de ne pas lire de journaux et de ne pas en entendre parler.
Je ne comprends rien a Sainte-Beuve. Je l'ai aime, _fraternellement_.
Il a passe sa vie a me vexer, a me grogner, a m'epiloguer et a me
soupconner; si bien que j'ai fini par l'envoyer au diable. Il s'est
fache, et nous sommes brouilles, a ce qu'il parait. Je crois qu'il ne
se doute pas de ce que c'est que l'amitie, et qu'il a, en revanche,
une profonde connaissance de l'amour de soi-meme, pour ne pas dire de
_soi seul_.
_Jocelyn_ est, en somme, un mauvais ouvrage. Pensees communes,
sentiment faux, style lache, vers plats et diffus, sujet rebattu,
personnages trainant partout, affectation jointe a la negligence;
mais, au milieu de tout cela, il y a des pages et des chapitres qui
n'existent dans aucune langue et que j'ai relus jusqu'a sept fois de
suite en pleurant comme un ane. Ces endroits sont faciles a noter; ce
sont tous ceux qui ont rapport au sentiment _theosophique_, comme
disent les phrenologues. La, le poete est sublime; la description,
souvent diffuse, vague et trop chatoyante, est, en
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