ndre; savoir, c'est exister. Vous n'irez pas en Orient et
vous n'en reviendrez pas sans avoir acquis beaucoup de connaissances
qui vous feront tres superieur a ce que vous etes deja. Les gens du
monde et les femmes voyagent sans fruit; il n'en sera pas ainsi de
vous. Vous observerez, vous verrez differentes races d'hommes,
differents modes d'organisation sociale. Vous ne negligerez pas
d'apprendre leur histoire, si vous ne la savez deja, et d'examiner
leurs penchants, leurs habitudes.
Vous saurez tout cela, et, quelque talent, quelque merite que je vous
reconnaisse, vous ne changerez pas la face du monde d'une maniere bien
importante ou bien utile. J'ai mes idees la-dessus. Je n'espere ni ne
desire vous les faire partager; car ce sont des idees qui font
souffrir ceux qui les ont et qui ne servent a rien pour les autres.
Mais je suis sure que vous reviendrez plus avance, plus rempli, par
consequent plus calme et plus apte aux choses reelles.
Le seul inconvenient que je voie a cette determination, c'est qu'un
sejour nouveau avec des chefs saint-simoniens augmentera en vous le
sentiment de fanatisme pour des hommes et des noms propres. Je n'aime
pas ce sentiment, je le trouve petit, ravalant et niais. Je l'eprouve
souvent, et il n'y a pas vingt-quatre heures que j'ai eu une forte
lutte a soutenir contre moi-meme pour m'en defendre, en presence d'un
homme politique d'un tres grand aspect.
Je ne me suis enrolee sous le drapeau d'aucun meneur, et, tout en
conservant estime, respect et admiration pour tous ceux qui professent
noblement une religion, je reste convaincue qu'il n'y a pas sous le
ciel d'homme qui merite qu'on plie le genou devant lui. Mettez-vous au
service d'une idee, et non pas au pouvoir d'Enfantin. Les idees se
modifient et s'elargissent en presence de la verite. Les systemes
reves par des individus sont toujours arretes au beau milieu du
progres par la fantaisie, l'erreur ou l'impuissance du Createur, qui
ne veut pas de rebellion chez ses creatures. Prenez bien garde a cela.
J'ai cause avec les saint-simoniens, avec les carlistes, avec
Lamennais, avec Coessin, avec le juste milieu, et, hier, avec
Robespierre en personne. J'ai trouve chez tous ces hommes de grandes
doses de vertu, de probite, d'intelligence et de raison, et celui qui
m'a le plus agitee, c'est celui dont je hais le plus les idees et dont
j'admire le plus l'individualite. C'est le dernier, ce qui prouve
qu'il est facile d'egarer les homm
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