mon ange; ecris-moi. Aime ton vieux George, qui t'aime plus
que sa vie.
CXXXIX
A MADAME D'AGOULT, A GENEVE
26 fevrier 1836.
Je ne vous ecris qu'un mot a la hate, chere bonne et belle Marie. Je
suis accablee d'affaires, de travail et de courses. Je vous ecris
d'une chambre d'auberge, ne sachant quand je retrouverai un quart
d'heure de loisir. Ainsi prenez que ceci n'est rien, qu'un signe et un
regard de tendresse jete en courant a quelqu'un qu'on voudrait
embrasser, mais dont le galop de votre cheval vous eloigne.
Votre grande lettre est charmante et bonne comme celle d'un ange.
Votre seconde lettre est encore mieux, sauf qu'il s'y trouve un
_madame_, dont je ne veux pas. Vous me parlez de coeur et de bourse.
Non, cela n'est pas inconvenant; l'offrir ou l'accepter est le plus
saint privilege de l'amitie, la plus sure marque de l'antique loyaute.
Si j'avais besoin de pain, j'en recevrais de vous, et vous seriez
encore la plus obligee de nous deux; car vous etes capable d'offrir au
premier mendiant venu, et, moi, je ne suis capable d'en accepter que
de bien peu de mains.
Je n'irai pas en Chine avec vous, quoique je le fisse de bien bon
coeur, si je le pouvais. Mais j'ai mes enfants qui m'attachent a ce
sol de France. Je ne pourrai plus m'absenter que pour quelques
semaines.
Grace a Dieu, j'ai gagne mon proces et j'ai mes deux enfants a moi. Je
ne sais si c'est fini. Mon adversaire peut en appeler et prolonger mes
ennuis. Mais je serai toujours libre au printemps et, si vous n'etes
pas partie, j'irai vous voir en Suisse.
Ecrivez donc sur le sort des femmes et sur leurs droits; ecrivez
hardiment et modestement, comme vous sauriez le faire, vous. Madame
Allart vient de faire une brochure ou il y a reellement des choses
fortes, belles et vraies. Moi, je suis trop ignare pour ecrire autre
chose que des contes, et je n'ai pas la force de m'instruire.
Vous me parlez de Beautin, de Marphyrius et de Jouffroy. Je n'ai
jamais entendu parler de ces gens-la. Je n'ai rien lu de ma vie, je ne
sais que ce que j'ai vu materiellement. En lisant votre lettre, je
m'_etonnais_ (le mot est modeste) de votre incommensurable superiorite
sur moi. Faites-en donc profiter le monde, vous le devez. Franz doit
vous y engager; moi, je vous en supplie.
Bonjour, ma douce et belle cenobite. Je vous ecrirai une longue lettre
bien bete, et bien bonne enfant, a la premiere journee de repos et de
li
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