vous remercie collectivement en m'adressant a Vincard.
Vous avez eu pour moi de la sympathie et des bienveillances pleines de
charme et de bonte. Je ne meritais pas votre attention, et je n'avais
rien fait pour etre honoree a ce point. Je ne suis pas une de ces ames
fortes et retrempees qui peuvent s'engager par un serment dans une
voie nouvelle. D'ailleurs, fidele a de vieilles affections d'enfance,
a de vieilles haines sociales, je ne puis separer l'idee de
_republique_ de celle de _regeneration_; le salut du monde me semble
reposer sur nous pour detruire, sur vous pour rebatir. Tandis que les
bras energiques du republicain feront la _ville_, les predications
sacrees du saint-simonien feront la _cite_. Je l'espere ainsi. Je
crois que mes vieux freres doivent frapper de grands coups, et que
vous, revetus d'un sacerdoce d'innocence et de paix, vous ne pouvez
tremper dans le sang des combats vos robes levitiques. Vous etes les
pretres, nous sommes les soldats: a chacun son role, a chacun sa
grandeur et ses faiblesses. Le pretre s'epouvante parfois de
l'impatience belliqueuse du soldat, et le soldat, a son tour, raille
la longanimite sublime du pretre. Soyons tranquilles pour l'avenir.
Nous tomberons tous a genoux devant le meme Dieu, et nous unirons nos
mains dans un saint transport d'enthousiasme, le jour ou la verite
luira pour tous; la verite est une.
Ces temps sont loin; nous avons, je le pense, des siecles de
corruption a traverser, et, tandis qu'il arrivera souvent encore a
votre phalange sacree de chanter dans des solitudes sans echo, il nous
arrivera peut-etre bien, a nous autres, de traverser en vain la _mer
rouge_ et de lutter contre les elements, le lendemain du jour ou nous
croirons les avoir soumis. C'est le destin de l'humanite d'expier son
ignorance et sa faiblesse par des revers et par des epreuves. Votre
mission est de la ranimer par des conseils, et de lui verser le baume
de l'union et de l'esperance. Accomplissez donc cette tache sacree, et
sachez que vos freres ne sont pas les hommes du passe, mais ceux de
l'avenir.
Vous avez eu un seul tort, en ces jours-ci, un tort grave, a mes yeux,
et je vous le dirai dans la sincerite de mon coeur, parce que je vous
aime trop pour vous cacher une seule des pensees que vous m'inspirez.
Vous avez cherche a vous eloigner de nous. Ce tort, nous l'avons eu a
votre exemple et les deux familles, les enfants de la meme mere, de la
meme idee, veux-je dire, se sont div
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