e la volonte persistante qui m'a soutenue dans mes luttes,
qui m'a grandie depuis que je te connais.
Songe a cela. Tu es l'homme que j'estime le plus. Je ne puis
m'habituer desormais a vivre sans toi. Songe, vieux Montagne, a ton
Laboetie, qui t'a connu, etant deja vieux, et qui s'est depeche de
t'aimer beaucoup afin de reparer le temps perdu.
Reponds-moi, explique-toi, et compte que je ne te laisserai pas seul
dans cette crise.
Tout a toi. G.
CXXXVII
A M. ADOLPHE GUEROULT, A PARIS
La Chatre, 11 fevrier 1836.
C'est le mardi gras qu'on prononce mon jugement en separation.
Je ne puis aller a Paris par consequent avant le mois de mars. J'en ai
bien du regret, d'abord parce que j'ai grand besoin de voir mes
enfants et mes amis, ensuite ce bal dont je me serais fait une fete.
Tachez qu'il y en ait un autre ou je puisse me trouver.
J'aime vos proletaires, d'abord parce qu'ils sont proletaires, et puis
parce que je crois qu'il y a en eux la semence de la verite, le germe
de la civilisation future. Faites-leur part de tous mes regrets.
Dites-leur que je tiens extraordinairement aux etrennes qu'ils ont
bien voulu me destiner. Je veux faire connaissance avec eux tous, des
que je serai non plus femme esclave, mais une femme libre, autant que
notre mechante civilisation le permet. Rappelez-moi particulierement
au souvenir de Vincard.
Que devenez-vous, mon ami? Allez-vous en Egypte? Si je gagne mon
proces, je renoncerai au tour du monde, que nous avions modestement
projete de faire ensemble. La gouverne de mes enfants et celle de mon
petit patrimoine ne me permettront plus de longues absences. Je
pourrai toujours vous conduire jusqu'a la frontiere, si vous prenez
votre volee dans un moment ou les plumes repousseront a mon aile. La,
je vous saluerai et vous suivrai de l'oeil jusqu'a l'horizon.
Avant tout, soyez heureux autant que faire se peut. Le bonheur est-il
refuse a la jeunesse? Je le crois en me sentant devenir de plus en
plus calme et satisfaite a mesure que je redescends la vie. _La
jeunesse est un bonheur par elle-meme, ses distractions lui
suffisent._ Ceci n'est pas de moi. Je crois que c'est vrai.
Adieu, mon cher Jules Cesar; portez-vous bien, _et me ama_.
GEORGE.
A LA FAMILLE SAINT-SIMONIENNE DE PARIS
La Chatre, 15 fevrier 1836.
Ne pouvant vous remercier chacun separement aujourd'hui, permettez,
freres, que je
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