me
parlais autrefois; tu as une femme charmante, un bel enfant. Pendant
que vous etiez malades tous deux a Valencay, je vous ai vus vous
embrasser. Vous vous aimez, mes chers enfants, vous etes l'un a
l'autre; la societe, au lieu de vous en faire un crime, met la votre
honneur et votre vertu.
Croyez-moi, votre sort est le plus beau possible. Celui de vous qui
imaginerait et desirerait mieux serait bien ingrat. Je conviens qu'il
te faut une occupation habituelle, il en faut a tout le monde. Tu es
resolu a en chercher une, et je t'approuve tout a fait. C'est une
folie de ne se croire bon a rien. Moi, je crois que tout le monde est
propre a tout, que tu peux faire des romans et que je peux etre
receveur particulier. Il ne faut que vouloir. Si tu es bien decide a
quelque chose, et que tu aies besoin de moi, mon coeur, mon bras, ma
bourse, sont a toi. Si tu viens faire ton droit, amene ta femme, je
serai sa mere et sa soeur.
En attendant, je lui envoie une jolie robe a la mode et des
manchettes. Je la prie de faire porter le chapeau chez la petite
Gauloise[2]. Quant a ta musique et a la pipe d'Alphonse, ce sera
l'objet d'un second envoi. Je suis pour une huitaine sans le plus
leger sou, ce qui m'arrive quelquefois sans manquer de rien
d'ailleurs, par suite de l'ordre admirable qui me caracterise. Je ne
veux pas faire attendre la robe, je trouverai une occasion pour vous
faire passer le reste. Mais dis-moi quelles sont les contredanses
qu'Eugenie m'avait demandees: il faut avouer aussi que je ne m'en
souviens pas. Les manchettes ne sont pas telles qu'elle les desirait,
on n'en porte plus d'autres que celles que je lui envoie.
Quand vous reverrai-je, mes bons amis? le plus tot que je pourrai
certainement. En attendant, aimez-moi, aimez-vous. Vous etes tous si
bons, et si pres les uns des autres. Le Gaulois, sa femme, Papet,
Duteil, que de bons coeurs, que de braves amis! et vous vivez au
milieu de tout cela, et vous ignorez jusqu'au nom des chagrins qui me
rongent!
Que Dieu en soit loue! Vous meritez mieux que cela; mais donnez-moi
place a votre festin, quand j'irai m'y asseoir.
Adieu; je vous embrasse de toute mon ame.
[1] Madame Charles Duvernet.
[2] Madame Alphonse Fleury
CXXII
A M. HIPPOLYTE CHATIRON, A CORBEIL, PRES PARIS
Nohant, 17 avril 1835.
Je suis ici tres calme et tres bien, mon cher vieux. Tout le monde se
porte bien, boit, rit et braille; il ne ma
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