es, quelle qu'elle soit, est toujours remplie de folie
et d'imprudence, jointe a ce qu'il y a de plus oppose, la faiblesse et
la peur. De tous leurs ecarts, nous ne voyons jamais, jusqu'ici,
resulter quelque chose de bon, de durable et de noble. Jamais elles ne
savent se creer, apres leur faute, une existence honorable et fiere.
Nous voyons l'une rompre avec le monde ostensiblement, et, bientot
apres, faire mille plates tentatives pour y rentrer; l'autre demande
l'aumone apres avoir ruine son amant, et, accoutumee a porter des
robes de satin, se trouve tres malheureuse d'etre en guenilles. Une
troisieme, pour echapper a de tels revers, se deprave et devient pire
qu'une catin publique. Une autre enfin, et c'est probablement la
meilleure de toutes, voyant le malheur ou elle a entraine celui
qu'elle aime, et n'y sachant pas de remede, se donne la mort; ce qui
ne produit autre chose que de rendre le survivant un objet d'horreur,
s'il ne se hate d'en faire autant.
Voila ce que, jusqu'ici, j'ai vu dans les aventures romanesques de
notre epoque. D'union de ce genre, qui fut calme, estimable et
enviable, je n'en ai pas vu, et je doute qu'il en existe une en
France. Notre societe est encore toute hostile a ceux qui la bravent,
et la race feminine, qui sent le besoin de liberte, et qui n'en est
pas encore digne, n'a ni la force ni le pouvoir de lutter contre une
societe entiere qui la condamne a l'abandon, a la misere, pour ne rien
dire de plus.
Voila le tableau social qu'il faut mettre sous les yeux de ta jeune
amie. Il faut lui montrer, sans flatterie, la condition de la femme en
ce temps de transition, qui prepare des destinees meilleures a celles
qui nous succederont. Quant a elle, encore pure comme une fleur, il
faut lui montrer qu'il y a un beau role a jouer; mais pas dans le
systeme des coups de tete. Ce role, je te l'expliquerai tout a
l'heure.
Un homme libre, riche jusqu'a un certain point, pourrait enlever sa
maitresse et devenir son protecteur. Encore, pour trouver la une
existence supportable, faudrait-il que cette maitresse eut beaucoup de
force d'ame et que son protecteur fut parfait. Il faudrait qu'il
constituat a lui tout seul une existence tout entiere.
Tu es bien un des meilleurs hommes que je connaisse, et ta jeune
amante est peut-etre douee d'une tres grande force pour supporter les
peines de la vie; quoique, jusqu'ici, elle n'en ait pas donne de
preuves. Mais tu es pauvre, tu es esclave d'un devoir s
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