sser tranquille et tout va bien. Quant a ce qu'on en
pensera a Paris, cela m'occupe aussi peu que de ce qu'on pense en
Chine de Gustave Planche.
L'opinion est une prostituee qu'il faut mener a grands coups de pied
quand on a raison. Il ne faut jamais se soumettre a des avanies pour
obtenir des salutations et des courbettes en public. Je voudrais bien
vous voir digerer des menaces et des coups! Allons donc. Il faudrait
que tout votre sang y passat, ou celui de votre provocateur.
Croyez-vous que je n'aie pas de dignite personnelle a defendre parce
que je suis femme? Allons donc, encore! Souvenez-vous d'avoir preche
l'affranchissement de la femme.
Nous ne savons pas faire des armes, et on ne nous permet pas de
provoquer nos maris en duel; on a bien raison, ils nous tueraient, ce
qui leur ferait trop de plaisir.
Mais nous avons la ressource de crier bien haut, d'invoquer trois
imbeciles en robe noire, qui font semblant de rendre la justice, et
qui, en vertu de certaine _bonte_ de legislation envers les esclaves
menacees de mort, daignent nous dire: "On vous permet de ne plus aimer
monsieur votre maitre, et, si la maison est a vous, de le mettre
dehors."
Malgre tout ce que je vous dis la, par bonte pour monsieur mon epoux,
je fais tenir l'affaire aussi secrete que possible. Jusqu'ici, rien
n'a transpire, meme dans la petite ville que j'habite, ce qui est
merveilleux. Cela ira tant que cela pourra. N'en parlez donc a qui que
ce soit.
Bonsoir, mon ami; je vous embrasse de tout mon coeur; je suis bien
fachee que vous n'ayez pas le plus petit fait a rapporter comme
temoin; car l'enquete va reunir une vingtaine d'amis autour de moi.
Grace a Duteil, a Planet et a votre serviteur, il sera impossible
d'etre plus spirituel que ne le sera cette charmante reunion. Defense
d'y parler affaires et proces surtout. Ce sera l'adieu eternel que
j'adresserai a mes amis, si je suis deboutee de ma demande.
En attendant, j'aurai fait mon livre. J'irai a Paris apres mon proces
juge. Au revoir donc; donnez-moi de vos nouvelles si vous en avez le
temps. Envoyez-moi ces lithographies et dites a Vincard que je lui
donne une grosse poignee de main.
G.S.
CXXXII
AU REDACTEUR DU _JOURNAL DE L'INDRE_
La Chatre, 9 novembre 1835.
Monsieur,
Un oracle dont la signature ne trahit pas l'incognito attaque
brutalement, dans le feuilleton de votre journal, la moralite de mes
livres. J'abandonne a
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