end pas voler une mouche autour de mon cloitre
desert.
Le jardinier et sa femme, qui sont mes factotums, m'ont suppliee de ne
pas les faire demeurer dans la maison. J'ai voulu en savoir le motif.
Enfin le mari, baissant les yeux d'un air modeste, m'a dit: "C'est que
madame a une tete si laide, que ma femme, etant enceinte, pourrait
etre malade de peur." Or c'est de la tete de mort qui est sur ma
table, dont il voulait parler (du moins a ce qu'il m'a jure ensuite);
car je trouvai la plaisanterie de fort mauvais gout et je me
fachai.--Ensuite j'ai songe que cette tete si laide ferait grand
effet. J'ai permis a mon jardinier de s'eloigner et de garder la
pensee que cette tete etait un signe de penitence et de devotion.
Ainsi, a l'heure qu'il est, a une lieue d'ici, quatre mille betes me
croient a genoux dans le sac et dans la cendre, pleurant mes peches
comme Madeleine. Le reveil sera terrible. Le lendemain de ma victoire,
je jette ma bequille, je passe au galop de mon cheval aux quatre coins
de la ville. Si vous entendez dire que je suis convertie a la raison,
a la morale publique, a l'amour des lois d'exception, a
Louis-Philippe, le pere tout-puissant, et a son fils Poulot-Rosolin,
et a sa sainte Chambre catholique, ne vous etonnez de rien. Je suis
capable de faire une ode au roi, ou un sonnet a M. Jacqueminot.
Je vous ecris tout ce qu'il y a de plus bete. Tachez d'en faire autant
pour vous mettre a mon niveau. Il n'y a pas a dire, vous y etes
forcee.
Bonsoir. A vous.
GEORGE.
[1] Hermann Cohen, eleve de Liszt.
[2] Une piece anatomique avec des compartiments, legendes et numeros
traces a l'encre, d'apres le systeme phrenologique de Gall et
Spurzheim.
CXXXI
A M. ADOLPHE GUEROULT, A PARIS
La Chatre, 9 novembre 1835.
Mon cher enfant,
J'ai a repondre a deux lettres de vous et je veux le faire avant de me
mettre au travail; car j'ai un roman arrange dans ma tete.
Dussiez-vous dire que je fais mes embarras, vous n'entendrez pas plus
parler de moi, d'ici a deux ou trois mois, que si j'etais morte.
J'ai ecrit les premieres pages hier, et je suis dans le coup de feu.
Vous connaissez cela. Pour toutes choses, il y a un beau moment, c'est
le commencement. C'est peut-etre a cause de cela que je suis si
republicaine, et vous si peu saint-simonien. Quoi qu'il en soit, allez
votre train, si vous croyez que ce soit la bonne voie. Nous voulons
tous le bien e
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