Dieu pour moi, et, du sein de la mort, s'il reste dans l'univers
quelque chose de moi, l'ombre de ta mere veillera sur toi.
Ton amie,
GEORGE.
CXXIX
A MADAME MAURICE DUPIN, A PARIS
Nohant, 25 octobre
Ma chere maman,
Je vous dois, a vous la premiere, l'expose de faits que vous ne devez
point appendre par la voie publique. J'ai forme une demande en
separation contre mon mari. Les raisons en sont si majeures, que, par
egard pour lui, je ne vous les detaillerai pas. J'irai a Paris dans
quelque temps et je vous prendrai vous-meme pour juge de ma conduite.
Dans mon interet, dans le sien propre, et dans celui de mes enfants,
je crois que j'ai bien fait. Dudevant sent que sa cause est mauvaise;
car il n'essaye pas de la defendre, il retourne a Paris dans quelques
jours, pendant que les tribunaux prononceront le jugement.
Si vous le voyez, ne paraissez point informee de ce qui se passe; car
son amour-propre, qui souffre deja beaucoup, pourrait etre irrite s'il
pensait que je me livre contre lui a des recriminations. Il me
susciterait peut-etre alors quelque chicane qui produirait du scandale
et n'ameliorerait pas sa position. D'ailleurs, vous ne desirez pas que
je perde un proces a la suite duquel je me trouverais a sa
disposition. J'ai mille chances pour le gagner; mais une seule peut
m'etre contraire, et c'est assez pour succomber.
Soyez donc prudente; car il ira sans doute pres de vous dans
l'intention de se justifier ou de vous sonder. Ayez l'air, chere
maman, de ne rien savoir. Quant a moi, sans avoir l'intention de
l'accuser inutilement, je croirais manquer a mon devoir, si je ne vous
informais pas de ma situation dans une circonstance si grave.
Voici quels seront les resultats du jugement que j'espere obtenir et
dont il a pose ou accepte toutes les clauses. Je lui ferai une pension
de trois mille huit cents francs qui, jointe a douze cents francs de
rente (seul reste de cent mille francs qu'il possedait), lui
constituera cinq mille francs par an. En outre, je payerai et je
dirigerai l'education de mes deux enfants. Vous voyez que sa position
est tres honorable.
Ma fille sera exclusivement sous ma gouverne; mon fils restera au
college et passera un mois de vacances avec son pere, l'autre mois
avec moi. Tous deux ignoreront la separation prononcee; ce sont des
choses faciles a leur cacher, inutiles et facheuses meme a leur dire,
et, si mon mari respecte les co
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