es tout, Casimir est fort triste, qu'il regrette
beaucoup son petit royaume et que l'idee de voir apporter par moi le
moindre changement _a son ordre de choses_ lui est amere et
mortifiante, bien qu'il n'en dise rien.
Je vois aussi que cette separation d'argent et de domicile ne
s'effectuera pas sans humeur et sans chagrin de sa part, et qu'il
croit faire la une action vraiment romaine. Je ne suis pas disposee a
prendre au serieux une pareille affaire. Ma profession est la liberte,
et mon gout est de ne recevoir grace ni faveur de personne, meme
lorsqu'on me fait la charite avec mon argent. Je ne serais pas fort
aise que mon mari (qui subit, a ce qu'il parait, des influences contre
moi) prit fantaisie de se faire passer pour une victime, surtout aux
yeux de mes enfants, dont l'estime m'importe beaucoup. Je veux pouvoir
me faire rendre ce temoignage, que je n'ai jamais rien fait de bon ou
de mauvais, qu'il n'ait autorise ou souffert. Ne reponds pas a cela
par des considerations de _sentiment_ de sa part. Je ne juge jamais
des sentiments que par les actions, et tout ce que je desire, c'est
qu'il reste avec moi dans des relations de bonne amitie qui soient
d'un bon exemple a mes enfants. Je ne veux etablir mon bien-etre aux
depens de l'amour-propre ou des plaisirs de personne. _Voila mon
caractere_, comme dit Odry.
Je te renvoie donc les conventions qu'il a signees et, qui plus est,
je te les renvoie dechirees, afin qu'il n'ait plus que la peine de les
jeter au feu, s'il a le moindre regret de cet arrangement propose et
redige par lui. Adieu, mon vieux; j'irai vous voir aux vacances. Je
demeurerai chez M. Dudevant, s'il veut me donner l'hospitalite. Sinon,
je louerai une chambre chez Brazier[1]; car rien au monde ne me fera
renoncer a vous autres. Mais, pour une separation stipulee, annoncee a
son de trompe et arrosee des larmes de ses amis, cela m'embete, je
n'en veux pas et ne _reviendrais jamais de Constantinople_, plutot que
de voir maigrir le maire de Nohant-Vic.
Vive la joie, mon vieux! je suis et serai toujours ton meilleur ami.
GEORGE.
[1] Brazier, aubergiste a la Chatre.
CXXV
A MADAME LA COMTESSE D'AGOULT[1], A GENEVE
Paris, mai 1835.
Ma belle comtesse aux beaux cheveux blonds,
Je ne vous connais pas personnellement, mais j'ai entendu Franz[2]
parler de vous et je vous ai vue. Je crois que, d'apres cela, je puis
sans folie vous dire que je vous aime, q
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