amis me respecteront, j'espere, tout aussi bien sous ma veste que
sous ma robe.
Je ne sors pas, ainsi vetue, sans une canne; ainsi soyez en paix. Il
n'y aura pas de grande revolution dans ma vie pour cette fantaisie de
porter une _redingote de bousingot_ quelques jours, en passant, dans
des circonstances donnees.
Soyez rassure, je n'ambitionne pas la dignite de l'homme. Elle me
parait trop risible pour etre preferee de beaucoup a la servilite de
la femme. Mais je pretends posseder, aujourd'hui et a jamais, la
superbe et entiere independance dont vous seuls croyez avoir le droit
de jouir. Je ne la conseillerai pas a tout le monde; mais je ne
souffrirai pas qu'un amour quelconque y apporte, pour mon compte, la
moindre entrave. J'espere faire mes conditions, si rudes et si
claires, que nul homme ne sera assez hardi ou assez vil pour les
accepter.
Ces considerations-la, vous le sentez, sont choses toutes
personnelles, qui peuvent vous laisser du doute ou du blame sans que
je m'en offense; mais souffrent-elles une discussion serieuse? Non,
vraiment. Il n'y a pas plus a raisonner la-dessus que sur la faim qui
s'apaise ou recommence. Nous verrons bien! Il est inutile de parler du
lendemain quand on est satisfait du plan de sa journee. Si on ne
croyait pas a la duree d'un projet, il n'existerait pas une minute
dans le cerveau. Mais, si on pouvait assurer cette duree, on serait
Dieu.
Prenez-moi donc pour un homme ou pour une femme, comme vous voudrez.
Duteil dit que je ne suis ni l'un ni l'autre, mais que je suis un
_etre_. Cela implique tout le bien et tout le mal, _ad libitum_.
Quoi qu'il en soit, prenez-moi pour une amie, frere et soeur tout a la
fois: frere pour vous rendre des services qu'un homme pourrait vous
rendre; soeur pour ecouter et comprendre les delicatesses de votre
coeur.
Mais dites a vos amis et connaissances qu'il est absolument inutile
d'avoir envie de m'embrasser pour mes yeux noirs, parce que je
n'embrasse pas plus volontiers sous un costume que sous un autre!
Adieu; ne _parlons_ plus de cela, ce serait ennuyeux et deplace.
Parlons de l'avenir du monde et des beautes du saint-simonisme tant
que vous voudrez. Je serais bien fachee de changer votre caractere, et
je vous avertis qu'il serait bien mal aise de changer le mien.
Tout a vous de coeur.
GEORGE.
CXXIV
A M. ALEXIS DUTEIL, A LA CHATRE
Paris, 25 mai 1835.
Mon vieux,
Je vois que, apr
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