ttre toutes les gambades
sur le dos d'Attila. Et c'est ainsi qu'il nous a donne ce stupefiant
barbare, qui a des allures de romantique de 1830, qui rappelle ces
personnages d'un drame de Ponson du Terrail, je crois, disant: "Nous
autres, gens du moyen age..." Oui, Attila se traite lui meme de barbare,
parle de l'histoire et de la decadence, predit tout ce qui doit arriver,
porte sur ses actions les jugements que nous portons aujourd'hui. Et il
n'y a pas qu'Attila, les autres personnages ne sont egalement que des
chienlits modernes, laches dans une action baroque, et s'y conduisant
avec nos idees et nos moeurs. Tous les mensonges sont accumules: non
seulement la psychologie de ces marionnettes est absurde, mais encore le
drame est d'une faussete absolue, comme histoire et comme humanite.
Que reste-il? une fable, un sujet quelconque, auquel un poete dramatique
a accroche des vers. Imaginez-vous un arbre plante en l'air, sans racine
dans le sol, et dont les bras morts portent des drapeaux. Cela claque
dans le vide, et le peuple applaudit.
Des lors, j'en suis amene a ne plus juger que les vers de M. de Bornier.
Je sais des poetes qui se sont indignes. Ils refusent a l'auteur des
_Noces d'Attila_ le don de poesie. Cela me touche moins. Au theatre,
dans une etude de caracteres et de passions, j'estime que le lyrisme est
un don bien dangereux. Mais il est certain que M. de Bornier obtient
une etrange cuisine, en passant tour a tour du procede de Corneille au
procede de Victor Hugo. Cela me choque surtout parce que je ne crois pas
a une alliance possible entre des maitres de temperaments differents.
Les auteurs de juste milieu, ceux qui ont eu, comme Casimir Delavigne,
l'ambition de concilier les extremes, ne sont jamais parvenus qu'a un
talent batard et neutre n'ayant plus de sexe. C'est un peu le cas de M.
de Bornier.
Le directeur de l'Odeon a monte le drame richement. Mais franchement,
malgre ses soins et l'argent qu'il a depense, rien n'est plus triste ni
plus laid que le defile de ces costumes baroques, qu'on nous donne comme
exacts. Il y a la une orgie de cheveux, de barbes et de moustaches,
de l'effet le plus extravagant. Du cote des Francs, tout le monde est
blond, un ruissellement de filasse; du cote des Huns, tout le monde est
brun, des poils trempes dans de l'encre et balafrant les visages comme
des traits de cirage. C'est enfantin et lugubre. Quant a l'exactitude,
elle me fait un peu sourire. Elle doit ressembl
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