a Providence. L'auteur ne dit meme
pas aux dames legeres de Paris: "Voyez combien vos desordres retomberont
sur la tete de vos fils; vous serez un jour punies dans leur bonheur
brise." Au demeurant, Coralie est pardonnee; elle s'enterre bien au
couvent, mais quelle fin heureuse pour une vieille catin, lasse de la
vie, s'endormant au milieu des tendresses calines des bonnes soeurs! car
je me plais a ajouter un cinquieme acte, a voir Coralie mourir dans le
sein de l'Eglise et laisser sa fortune pour les frais du culte. C'est la
mort enviee de toutes les pecheresses, l'argent du Diable retourne au
bon Dieu. Et remarquez que celle-ci a, en outre, la joie de savoir son
fils bien etabli.
Donc, la moralite est ici fort obscure. La seule conclusion qu'on puisse
tirer, me parait etre celle-ci, adressee aux filles trop lancees:
"Tachez d'avoir un fils capitaine et pur pour qu'il vous refasse une
virginite sur le tard," moyen un peu complique, qui n'est pas a la
portee de toutes ces dames.
Mais soyons serieux, laissons la morale absente, et arrivons a la
question litteraire. C'est la seule qui doive nous interesser. J'ai
simplement voulu montrer que les ecrivains moraux sont generalement ceux
dont les oeuvres ne prouvent rien et ne menent a rien. On tombe avec eux
dans l'amphigouri des grands sentiments opposes aux grandes hontes, dans
un pathos de noblesse d'une extravagance rare, lorsqu'on le met en face
des realites pratiques de la vie.
Les deux premiers actes sont consacres a l'exposition. Rien de saillant,
mais des scenes d'une grande nettete et bien conduites. Je ne fais des
reserves que pour la langue; c'est trop ecrit, avec des enflures de
phrases, tout un dialogue qui n'est point vecu. Maintenant, je passe au
troisieme acte, le seul remarquable. Il merite vraiment la discussion.
Nulle part je n'ai encore lu les raisons qui, selon moi, ont fait le
grand et legitime succes de cet acte. Presque tous les critiques se sont
exclames sur la coupe meme de l'acte, sur la facture des scenes, sur le
pur cote theatral, en un mot. Il semble, d'apres eux, que M. Delpit ait
reussi, parce qu'il a coule son oeuvre dans un moule connu. Eh bien! je
crois etre certain, pour ma part, que M. Delpit doit son succes a la
quantite de verite qu'il a ose mettre sur les planches; cette quantite
n'est pas grande, il est vrai, et le public, en applaudissant, a pu tres
bien ne pas se rendre un compte exact de ce qu'il applaudissait. Mais le
fai
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