e, ce cerisier! La Comedie-Francaise s'etait
deshonoree en le plantant sur ses planches. La profanation etait dans
le temple. Mais il me semble, a moi, que la profanation y etait depuis
quarante-deux ans, car l'escalier sort tout a fait de la tradition.
Je dirai meme que cet escalier n'est pas excusable, au point de vue des
theories theatrales. Il n'est necessite par rien dans la piece, il n'est
la que pour le pittoresque. Pas une phrase du drame ne parle de lui,
aucune indication de l'auteur ne le rappelle. Au contraire, dans l'_Ami
Fritz_, le cerisier a son role marque; il donne un episode charmant.
On raconte que l'escalier est une invention, une trouvaille de madame
Dorval. Cette grande artiste, qui avait certainement le sens dramatique
tres developpe, avait du tres bien sentir la pauvrete scenique de
_Chatterton_; elle ne savait comment dramatiser cette elegie monotone.
Alors, sans doute, elle eut une inspiration, elle imagina l'escalier; et
j'ajoute qu'un esprit rompu aux effets sceniques pouvait seul inventer
un accessoire dont le succes a ete si prodigieux. A mon point de vue,
c'est l'escalier qui joue le role le plus reel et le plus vivant dans le
drame.
Certes, le drame est tres purement ecrit. Mais cela ne me desarme pas.
Cette langue correcte est aussi factice que les personnages. On n'y sent
pas un instant la vibration d'un sentiment vrai. Il y a deux ou trois
cris qui sont beaux; le reste n'est que de la rhetorique, et de la
rhetorique dangereuse et ennuyeuse. Le public a formidablement baille.
Je remercie cependant la Comedie-Francaise d'avoir remonte _Chatterton_.
J'estime qu'on rend un grand service a noire generation litteraire, en
lui montrant le vide des succes romantiques d'autrefois. Que tous
les drames vieillis de 1840 defilent tour a tour, et que les jeunes
ecrivains sachent de quels mensonges ils sont faits. Voila les guenilles
d'il y a quarante ans, tachez de ne plus recommencer un pareil carnaval,
et n'ayez qu'une passion, la verite. Celle-la ne vous menagera aucun
mecompte; on ne rira, on ne baillera jamais devant elle, parce qu'elle
est toujours la verite, celle qui existe.
II
Le theatre de la Porte-Saint-Martin, auquel appartient la propriete du
repertoire de Casimir Delavigne, parait user de cette propriete avec la
plus grande prudence. Il attend l'ete, les lourdes chaleurs, qui vident
toutes les salles, pour hasarder un drame en vers, bien convaincu que
les recettes sont com
|