vivra toujours, aussi
fraiche, lorsque la _Tour de Nesle_ sera, depuis longtemps, mangee par
la poussiere des cartons. A quoi sert donc la fameuse mecanique, que
l'on pretend si faussement indispensable, puisqu'elle ne peut pas faire
vivre une piece et qu'une piece peut vivre sans elle? Le theatre est
libre.
IV
On tolere toujours une reprise; si certaines scenes ont vieilli, si l'on
est blesse par de monstrueuses invraisemblances, si l'on s'ennuie, on en
est quitte pour dire: "Dame! la piece date de trente ans, il faut tenir
compte des epoques et accepter les modes du temps passe." On en arrive,
en faisant ainsi la part des engouements d'autrefois, a supporter des
choses qu'on refuserait violemment aujourd'hui. Pour une piece nouvelle,
on se montre impitoyable; elle interesse ou elle n'interesse pas;
personne ne lui fait credit, et l'indifference se produit tout de suite
autour d'elle, si elle ne passionne pas le public.
Voila pourquoi le theatre de la Porte-Saint-Martin, dont les traditions
sont d'exploiter le drame historique, se trouve reduit a vivre de
reprises. Les quelques drames historiques qu'il a essaye de donner ont
echoue. Les auteurs eux-memes me paraissent pris de peur; ils sentent
que le gout du public n'est plus la, ils n'ont aucune envie de perdre
leur temps et de risquer encore une chute. Alors, pour ne pas mentir a
son enseigne, pour vivre d'ailleurs et boucher des trous qu'il ne sait
comment combler, le theatre est bien force de fouiller les vieux cartons
et de tirer quelques recettes des grands succes d'autrefois. Les
chefs-d'oeuvre du genre reparaissent ainsi periodiquement. On n'a pas
invente une formule neuve de drame, on vivote comme on peut avec les
vieux habits et les vieux galons du repertoire romantique. Telle est
la situation exacte, et je crois que personne ne peut me dementir.
Seulement, on ne semble pas s'apercevoir d'une chose, c'est qu'on acheve
de tuer le genre historique, tel que Dumas et ses collaborateurs l'ont
cree, en faisant de la sorte servir leurs drames a boucher des trous.
Ces drames passent a l'etat d'oeuvres classiques, d'oeuvres mortes,
puisqu'elles restent des types dont on ne peut plus tirer des copies.
Les reprises, d'ailleurs, ne sauraient etre eternelles. Apres les
_Trois Mousquetaires_, la _Reine Margot_; apres la _Reine Margot_, le
_Chevalier de Maison-Rouge_. Je consens a ce que toute la serie y passe,
mais ensuite on ne recommencera sans doute pas. Il fa
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