pueril, et le reste. Je passe
les soirees, dans mon fauteuil, a couver de grosses coleres, lorsque
naturellement je ne demanderais pas mieux que de m'amuser en digne
bourgeois. Une scene vraie arrive-t-elle, je suis pris tout entier, et
je sens bien que la salle est prise comme moi. La verite est donc la
grande force au theatre, la seule force qui impose l'illusion complete,
qui donne a l'art dramatique l'intensite, du reel. Et je ne demande pas
autre chose, je demande a ce qu'on me prenne tout entier, sans laisser
a ma raison le loisir de critiquer en moi mon emotion, a mesure qu'elle
voudrait naitre. Toute la theorie du theatre est la.
La _Reine Margot_ est d'un art absolument inferieur. J'y vois une
exhibition, un carnaval historique, pas davantage; cela pourrait tres
bien se jouer dans une baraque de foire, si la baraque avait les
dimensions convenables. Mais, ceci pose, il est evident que l'oeuvre
a ete fabriquee par des mains habiles, qu'elle contient meme quelques
scenes puissantes, ou l'on reconnait la griffe d'Alexandre Dumas, cet
inepuisable conteur d'une invention si extraordinaire. Je vais tacher
d'indiquer ce qui me plait et ce qui me deplait.
J'ai beaucoup entendu vanter l'exposition, la rencontre de Coconnas et
de La Mole, le soir meme de la Saint-Barthelemy, leur combat, la fuite
de La Mole jusque dans la chambre de la reine Marguerite, enfin le roi
Charles IX tirant un coup d'arquebuse par une des fenetres du Louvre.
C'est une course, un pietinement, une bousculade a travers trois
tableaux. Beaucoup de bruit, des corteges, des coups de fusil, du
mouvement a coup sur, mais de la vie, pas le moins du monde! Il ne faut
pas confondre la vie avec le mouvement. Je suis certain qu'un simple
tableau, largement concu, poserait beaucoup mieux la Saint-Barthelemy
que ce tourbillon de gens qui se precipitent, sans que nous ayons le
temps de faire connaissance avec eux. Il y a simplement la un interet de
bruit, une enfilade de scenes destinees a agir sur le gros public. C'est
l'art des treteaux, avec les ressources de la mise en scene moderne.
Je ne parle pas de la verite. Une des choses qui m'ont le plus stupefie,
c'a ete de voir une troupe de gardes, les gardes de la duchesse de
Nevers, passer par la chambre a coucher de la reine de Navarre. La
duchesse traverse la chambre, il est vrai; mais est-il acceptable que
les gardes la traversent aussi? Je me demande encore ce que ces gardes
font la. Une chose bien et
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