ut que notre
generation produise. Quand on aura use toutes les anciennes pieces,
quand on aura compris que le cadre en est demode et que decidement le
public n'en veut plus, l'heure arrivera enfin ou tout le monde sentira
la necessite d'une nouvelle forme de drame. C'est cette heure-la qui ne
saurait tarder a sonner, selon moi.
Je ne dis pas autre chose depuis longtemps. J'estime que la defense
d'une idee juste suffit a la bonne volonte d'un homme. On me prete je
ne sais quelles theories revolutionnaires en art, qui, en tous cas,
seraient des theories purement personnelles. Depuis que je vais
assidument dans les theatres, je constate qu'il y regne un grand
malaise, que les directeurs, les auteurs, le public lui-meme sont
inquiets et ne savent ce qu'ils veulent; je me persuade de plus en plus
que, les anciennes formules ayant fait leur temps, il serait bon de
trouver un nouveau drame au plus vite. C'est ce que je repete chaque
jour, rien deplus. Maintenant, personnellement, je vois l'avenir dans
l'ecole naturaliste; selon moi, pour de nombreuses raisons, le mouvement
scientifique du siecle doit fatalement gagner les planches. Mais c'est
la une opinion particuliere que je defends a mes risques et perils. Le
theatre reclame une evolution litteraire, voila une verite indiscutable.
Maintenant, que cette evolution se produise dans n'importe quel sens, si
elle se produit puissamment, elle me passionnera.
La _Reine Margot_, que le theatre de la Porte Saint-Martin vient
de reprendre, ne me fera pas regretter, je l'avoue, le genre dit
historique. Le sens de ces grandes machines me manque decidement.
Certes, je suis tres sensible a l'ampleur du cadre, je trouve excellente
cette coupure du drame en douze ou treize tableaux; cela permet de
multiplier les decors, de promener l'action partout, de donner de la vie
et de la mobilite a l'oeuvre. Mais quel etrange emploi d'un cadre aussi
vaste! Il semble que les auteurs n'aient profite de l'elargissement du
cadre que pour y elargir des mensonges. Un grand opera serre a coup sur
la verite de plus pres.
Que voulez-vous? l'illusion ne se produit pas pour moi, et des lors je
ne puis gouter aucun plaisir. Il m'est impossible d'empecher ma raison
de fonctionner. Dans les endroits les plus pathetiques, ce sont des
reflexions, des revoltes du bon sens, qui me gatent absolument les
meilleures scenes. Pourquoi tel personnage fait-il cela? pourquoi tel
autre dit-il ceci? c'est ridicule, c'est
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