ate-forme; puis la vue de la mer immense, avec
la trainee lumineuse de la lune. Voila, certes, des elements d'emotion
nombreux et puissants. Je suis sans doute trop difficile; car, tout en
m'expliquant la grande reussite d'une oeuvre semblable, je persiste a
en etre triste et a souhaiter pour les spectateurs des petites places,
qu'on entend evidemment flatter, des oeuvres d'une verite plus virile et
d'une qualite litteraire plus elevee.
Pour moi, je lache le mot, un pareil drame n'est qu'une parade. Les
interpretes sont fatalement des queues-rouges qui grimacent des rires ou
des larmes. Cela n'est pas meme mauvais, cela n'existe pas. Les jours
de rejouissances publiques, on dresse des theatres militaires sur
l'esplanade des Invalides, ou des soldats representent des batailles.
Eh bien! _Jean-la-Posle_, ou tout autre melodrame de ce genre, pourrait
etre ainsi represente. La piece gagnerait meme a etre mimee, car on
eviterait ainsi une depense exageree de mauvais style. Les acteurs
n'auraient qu'a mettre la main sur leur coeur pour confesser leur amour.
Je connais des pantomimes qui en disent certainement plus long sur
l'homme que l'oeuvre de M. Dion-Boucicaut: Pierrot est plus profond que
Jean, son heros, et Colombine est plus femme que sa Nora. Ce qui me
consterne, dans un drame pretendu populaire, ce sont les peintures de
surface, les personnages plantes comme des mannequins, le mensonge
continu, etale, triomphant. Entre un theatre forain et un grand theatre
des boulevards, il n'y a, a mes yeux, qu'une difference de bonne tenue.
Je causais justement de ces choses, et l'on me repondait que le succes
de la Porte-Saint-Martin etait dans ces pieces grossierement enluminees,
faites pour les treteaux. Est-ce bien vrai? Est-il absolument
necessaire, par exemple, qu'un certain major, dans _Jean-la-Poste_, ait
une attitude de pieu coiffe d'un chapeau galonne? Est-il necessaire que
Jean parle comme un poete incompris, en phrases fleuries qui sont le
comble du ridicule dans la bouche d'un cocher? Est-il necessaire que
chaque personnage enfin soit tout bon ou tout mauvais, sans la moindre
souplesse? Je ne le crois pas. Notre theatre populaire est dans
l'enfance, voila la verite. On raconte au peuple les histoires de fees,
les contes a dormir debout, avec lesquels on berce les petits enfants.
De la, la simplification des personnages, la vie montree en reve, le
mensonge consolant erige en principe. La conception du melodrame, chez
|