que le roi
ne se mette pas entre les mains des medecins, en leur disant de tenter
quand meme la guerison.
Les personnages de Coconnas et de La Mole, qui ont fait autrefois le
succes du drame, sont des silhouettes enluminees de tons vifs pour les
spectateurs peu lettres. D'ailleurs, la partie purement romanesque tient
fort peu de place, et l'on regrette l'histoire, cette Marguerite si
belle, que tout son siecle a adoree. Comme elle est reduite la-dedans
a un role de poupee vulgaire! Elle, la savante, la spirituelle,
l'amoureuse, c'est a peine si elle est un rouage dans cette machine
dramatique. Tout se rapetisse et s'aplatit. On dirait un theatre
mecanique. Le plus grand defaut de ces vastes pieces populaires,
decoupees dans des romans, c'est de reduire ainsi les personnages les
plus importants a des emplois d'utilites; il ne reste guere que de la
figuration; toute la chair de l'oeuvre s'en va pour ne laisser voir que
la carcasse. D'autre part, on ne comprend plus que difficilement, on
doit sans cesse suppleer a ce que les heros n'ont pas le temps de nous
dire.
Le succes de la _Reine Margot_ a ete tres vif autrefois, et il est
possible que la reprise soit fructueuse. Sans doute, pour gouter une
oeuvre pareille il faut une naivete d'impressions que je n'ai plus. Si
je pouvais retrouver mes seize ans, mes durs commencements de jeune
homme, et reprendre une place en haut, a une des galeries, je serais
sans doute moins severe. Mais trop d'etudes ont passe sur moi, trop
d'analyse et trop d'observation, pour que je puisse me plaire a une
oeuvre qui m'ennuie par sa puerilite et qui me fache par ses mensonges.
Je suis meme d'avis que, si le peuple s'amuse a un pareil spectacle,
on devrait l'en sevrer, car il ne peut qu'y fausser son jugement et y
desapprendre notre histoire nationale.
V
La reprise du _Batard_, a la Porte-Saint-Martin, vient de remettre pour
un instant en lumiere la figure d'Alfred Touroude. Il paraissait bien
oublie; la mort, en une seule annee, l'avait pris tout entier, et il a
fallu le chomage des grosses chaleurs, l'embarras des critiques qui
ne savent comment emplir leurs articles, pour ressusciter cet auteur
dramatique deja couche dans le neant.
La mort d'Alfred Touroude a ete un deuil pour ses amis. Mais l'art
n'avait deja plus a pleurer en lui, malgre sa jeunesse, un talent dans
la fleur de ses promesses. Il est peu d'exemples d'une carriere
si courte et si bornee. Acclame a ses debuts, il
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