e interessante et il n'en reste pas moins
tres superieur aux arrangeurs de notre epoque.
Et voyez l'aventure, ce qui fait sourire maintenant dans ses oeuvres, ce
sont justement la rhetorique classique et la rhetorique romantique, tout
le clinquant litteraire des modes d'autrefois. Les vers, par moment,
sont abominablement plats, alourdis de periphrases, d'une banalite de
mauvaise prose; la est l'apport classique. Quant a l'apport romantique,
il est aussi facheux, il consiste dans la stupefiante facon de presenter
l'histoire et dans l'etalage grotesque des guenilles du moyen age. Rien
ne me parait comique comme les romantiques impenitents d'aujourd'hui,
qui ricanent a une reprise de _Louis XI_. Eh! bonnes gens, ce sont
justement les panaches et les mensonges en pourpoint abricot de 1830,
qui ont vieilli et qui gatent l'oeuvre a cette heure!
Je ne parle pas des anachronismes qui font de _Louis XI_ le plus
singulier cours d'histoire qu'on puisse imaginer; il est entendu
que l'anachronisme est une licence necessaire, sans laquelle toute
composition dramatique se trouverait entravee. Mais je parle de la
grande verite humaine, de la verite des caracteres. Le Louis XI de
Casimir Delavigne, assassin, fou, lugubre, est une figure ridicule, si
on le, compare au veritable Louis XI, que la critique historique moderne
a su enfin degager des brouillards sanglants de la legende. Il est vu a
la maniere romantique, une maniere noire, avec des clairs de lune par
derriere, eclairant des gibets, avec des donjons et des tourelles, des
ferrailles et des poignards, tout un tra la la de grand opera. La verite
se trouve a chaque scene sacrifiee a l'effet, les personnages ne sont
plus que des pantins qui montent sur des echasses pour paraitre des
colosses. C'est ainsi que Casimir Delavigne a transforme en un heros
de ballade le grand roi si energique et si habile qui travailla un des
premiers a la France actuelle.
Nous sommes ici dans la question grave, dans le mouvement fatal de
science qui doit peu a peu influer sur notre theatre et le renouveler.
Pendant que le romantisme combattait pour la liberte des lettres
et substituait facheusement une rhetorique a une rhetorique, il ne
s'apercevait pas que, parallelement a lui, les sciences critiques
marchaient et devaient un jour le depasser et le vaincre, comme-il
venait de vaincre l'esprit classique. Il a conquis la liberte de
tout ecrire, rien de moins, rien de plus; il a ete une insurrection
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