oyage de noces, pour l'empecher de consommer le mariage, n'apporte
qu'une donnee bien connue. Encore ne chicanerait-on pas sur l'idee
premiere, qui etait un point de depart de farce amusante; mais il
aurait fallu, dans les developpements, dans les episodes, une invention
cocasse, une drolerie poussee a l'extreme, qui aurait elargi le sujet,
en le haussant a la satire enragee. Mon sentiment tout net est que le
train de la piece est trop banal, trop froid, et que, des que les Hanlon
paraissent, avec leur envolement de farceurs lyriques, ils y detonnent.
Souvent, lorsqu'on sort d'une feerie, on regrette que toutes ces
splendeurs soient depensees sur des scenarios si mediocres, on se dit
qu'il faudrait un grand poete pour parler la langue de ce peuple de
fees, de princesses et de rois. Eh bien! ma sensation a ete la meme
devant le _Voyage en Suisse_. J'ai regrette qu'un observateur de
genie, qu'un grand moraliste n'ait pas ecrit pour les Hanlon la piece
profondement humaine, la satire violente et au rire terrible que ces
artistes si profonds meriteraient d'interpreter. Leur puissance de
rendu, leurs trouvailles d'analystes impitoyables, font eclater les
plaisanteries faciles du vaudeville. Il leur faudrait, pour etre chez
eux, du Moliere ou du Shakespeare. Alors seulement ils donneraient tout
ce qu'ils sentent.
J'insiste, parce que, malgre leur tres vif succes, on ne m'a pas paru
les gouter a leur haut merite. Ils sont de beaucoup superieurs au
canevas qu'on leur a fourni. Lorsqu'ils etaient livres a eux-memes, aux
Folies Bergere, ils trouvaient des scenes d'une autre profondeur et
qui vous faisaient passer a fleur de peau le petit frisson froid de la
verite. En un mot, leur pantomime a un au dela troublant, cet au dela,
de Moliere qui met de la peur dans le rire du public. Rien n'est plus
formidable, a mon avis, que la gaiete des Hanlon, s'ebattant au
milieu des membres casses, et des poitrines trouees, triomphant dans
l'apotheose du vice et du crime, devant la morale ahurie. Au fond, c'est
la negation de tout, c'est le neant humain.
Je ne parlerai donc pas de le piece, qui est l'oeuvre de deux auteurs
spirituels. Eux-memes se sont effaces. Mon seul but, en analysant les
principales scenes des Hanlon, est de montrer de quelle observation
cruelle, de quelle rage d'analyse, ces mimes de genie tirent le rire.
Il leur fallait d'autant plus de souplesse que la situation, pour eux,
reste la meme depuis le commencement jusqu
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