bien la suite. Meme, derriere moi, un monsieur tres
ferre sans doute sur le repertoire de nos vaudevilles, citait les pieces
ou la meme idee se trouvait deja; et il y en avait une longue liste, je
vous assure. Mais l'intrigue se nouait, le charme operait peu a peu. Je
m'imaginais apercevoir les auteurs derriere une coulisse, tendant leur
piege avec la tranquillite d'hommes qui connaissent la bonne glu. Tous
les vieux mots portaient. A mesure que les spectateurs se retrouvaient
davantage en pays de connaissance, ils devenaient bons enfants,
s'amusaient aux endroits ou ils s'amusent depuis leur age le plus
tendre. Certes, ils etaient de plus en plus certains du denouement, tous
vous auraient dit comment tourneraient les choses, il n'y avait pas dans
leur emotion le moindre doute sur la felicite finale des personnages;
mais cela les ravissait d'assister une fois de plus au devidage adroit
de cet echeveau dramatique si bien embrouille.
Les auteurs allaient-ils prendre le fil a gauche ou a droite? Et cette
seule alternative suffisait a leur bonheur. Puis, il y avait encore le
hasard des noeuds; innocentes catastrophes, aussi vite reparees que
survenues, qui accidentaient la route parcourue tant de fois. Des le
second acte, la salle ravie se croyait encore au _Proces Veauradieux_,
et applaudissait a tout rompre. Grand succes.
II
Il s'agit dans _Bebe_, la piece de MM. de Najac et Hennequin, d'un de
ces grands enfants que les meres gardent jusqu'au mariage, autour de
leurs jupes, et auxquels elles ne peuvent jamais se decider a donner la
clef des champs. Tel est le bebe, un bebe de vingt-deux ans, et qui a
deja de la barbe au menton. Gaston est adore par sa mere, la baronne
d'Aigreville, qui le cajole, le dodeline et lui parle encore en
zezayant, comme s'il portait toujours des robes et un bourrelet.
Quant au sujet philosophique,--il y a un sujet philosophique,--il repose
sur cette idee qu'un jeune homme, avant de se marier et de faire un bon
mari, doit parcourir trois periodes, la periode des femmes de chambre,
celle des cocottes et celle des femmes mariees. C'est le cousin
Kernanigous qui dit cela, et le cousin s'y connait, lui qui, chaque
annee, quitte sa ferme modele de Bretagne pour venir faire ses farces a
Paris.
Naturellement, Gaston, que sa mere croit encore un ange de purete, a
deja fait de nombreux accrocs a sa robe d'innocence. La baronne lui
a meuble un entresol, dans la meme maison qu'elle, pour qu'i
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