nois, aux cents
tiroirs se casant les uns dans les autres, qu'il faut replacer avec une
exactitude scrupuleuse, si l'on veut ne rien casser.
Les auteurs ont appele leur oeuvre comedie. Voila un bien grand mot pour
une piece de cette facture. J'aurais prefere vaudeville. Une comedie ne
va pas, selon moi, sans une etude plus ou moins poussee des caracteres,
sans une peinture quelconque d'un milieu reel. Or, les auteurs ne sont
en somme que d'aimables gens, bien decides a recreer le public, en
faisant tourner devant lui le quadrille de leurs marionnettes. Leur art
consiste a machiner leur joujou, de facon que les personnages obeissent
a chaque tour de la manivelle et viennent occuper sur les planches
l'endroit precis qui leur est assigne. C'est du theatre mecanique, des
bonshommes, joliment campes, dont les pas sont regles comme par
un maitre de ballets. Ils vont a gauche, ils vont a droite, ils
s'entrecroisent, se melent et se degagent, pour le plus grand plaisir
des yeux du public. Et, je le repete, cela demande des mains exercees.
On parle souvent du metier au theatre. Eh bien! les _Dominos Roses_ sont
un produit immediat du metier, sans aucune faute. De la memoire, de
l'adresse, et rien de plus. Mais on voit que le metier n'est decidement
pas a dedaigner, puisqu'il peut suffire au succes.
On parlait du _Proces Veauradieux_, des memes auteurs, pendant la
representation. Les deux pieces, en effet, ont beaucoup de ressemblance,
sortent tout au moins du meme moule. Rien de plus naturel, d'ailleurs.
MM. Delacour et Hennequin ont pense, avec raison, que les spectateurs
applaudiraient plus volontiers ce qu'ils avaient deja applaudi. Les
nouveautes troublent le public dans sa quietude, lui causent une
secousse cerebrale desagreable. L'eternel quiproquo des maris qui
embrassent les bonnes, en croyant embrasser leurs femmes, ne suffit-il
pas a la gaiete d'une soiree? Rien de plus digestif que ce jeu du
quiproquo. Il est a la portee de tout le monde, il souleve toujours le
meme eclat de rire, comme ces calembours de province qui sont, pendant
un quart de siecle, la joie d'un salon. Et l'on s'en va, la tete libre,
sans fatigue intellectuelle, en se souvenant des petits jeux de societe
de sa jeunesse.
J'ai bien suivi les impressions du public, au courant des trois actes.
D'abord, j'ai constate un peu de froideur. On voyait les auteurs venir
avec leurs gros sabots, et l'on echangeait des regards comme pour se
dire qu'on savait
|