de batard en elle, elle est toute fantaisie. L'auteur y confesse
qu'il entend rester dans l'impossible.
Passez a un drame ou a une comedie, et vous sentez immediatement la
convention devenir blessante. L'auteur triche. Il marche, des lors,
sur le terrain du reel; mais comme il ne veut pas accepter ce terrain
loyalement, il se met a argumenter, il declare que le reel absolu n'est
pas possible au theatre, et il invente des ficelles, il tronque les
faits et les gens, il cuisine cet abominable melange du vrai et du faux
qui devrait donner des nausees a toutes les personnes honnetes. Le
malheur est donc que nos auteurs, en quittant les feeries, en gardent la
formule, qu'ils transportent sans grands changements dans les etudes
de la vie reelle; ils se contentent de remplacer les talismans par les
papiers perdus et retrouves, les personnages qui ecoutent aux portes,
les caracteres et les temperaments qui se dementent d'une minute a
l'autre, grace a une simple tirade. Un coup de sifflet, et il y a un
changement a vue dans le personnage comme dans le decor.
Si reellement la verite etait impossible au theatre, si les critiques
avaient raison d'admettre en principe qu'il faut mentir, je repeterais
sans cesse: "Donnez-nous des feeries, et rien que des feeries!" La
formule y est entiere, sans aucun jesuitisme. Voila le theatre ideal tel
que je le comprends, faisant parler les betes, promenant les spectateurs
dans les quatre elements, mettant en scene les heros du _Petit Poucet_
et de la _Belle au bois dormant_. Si vous touchez la terre, j'exige
aussitot de vous des personnages en chair et en os, qui accomplissent
des actions raisonnables. Il faut choisir: ou la feerie ou la vie
reelle.
Je songeais a ces choses, en voyant l'autre soir _Rothomago_, que le
Chatelet vient de reprendre avec un grand luxe de costumes et de decors.
Certes, cette feerie, au point de vue litteraire, ne vaut guere mieux
que les autres; mais elle est gaie et elle a le merite d'etre un bon
pretexte aux splendeurs de la mise en scene.
Rien de plus democratique, d'ordinaire, que le sujet de ces pieces.
Ainsi, _Rothomago_ repose sur le double amour d'un jeune prince pour
une bergere et d'une jeune princesse pour un paysan. Naturellement, le
prince et la princesse qu'on veut marier ensemble finissent par epouser
chacun l'objet de sa flamme. Et remarquez que prince et princesse
sont adorables, qu'ils feraient un couple charmant. N'importe, ils ne
s'aiment p
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