; il les a exhumees et transformees en pieces a spectacle,
inventant des tableaux nouveaux, grandissant les decors, habillant ses
acteurs d'etoffes superbes, donnant pour cadre a la betise du dialogue
et aux mirlitonnades de la musique tout l'Olympe siegeant dans sa
gloire. D'un bond, l'operette voulait monter a la largeur des grandes
feeries lyriques. Elle ne saurait aller plus haut Son incongruite, ses
rires niais, ses cabrioles obscenes, sa prose et ses vers ecrits pour
des portiers en goguette, se sont etales un instant au milieu d'une
splendeur de gala, comme une ordure tombee dans un rayonnement d'astre.
Meme elle etait montee trop haut, car elle a failli se casser les reins.
M. Offenbach n'est plus directeur, et il est a croire qu'aucun theatre
ne risquera a l'avenir deux ou trois cent mille francs pour montrer une
petite chanteuse, toute nue, sifflotant une chanson de pie polissonne,
sous flamboiement de feux electriques. N'importe, l'operette a touche le
ciel, la lecon est terrible et complete. Je ne veux pas detailler les
mefaits de l'operette. En somme, je ne la hais pas en moraliste, je la
hais en artiste indigne. Pour moi, son grand crime est de tenir trop de
place, de detourner l'attention du public des oeuvres graves, d'etre un
plaisir facile et abetissant, auquel la foule cede et dont elle sort le
gout fausse.
L'ancien vaudeville etait preferable. Il gardait au moins une platitude
bonne enfant. D'autre part, si l'on entre dans le relatif du metier, il
est certain qu'il etait moins rare de rencontrer un vaudeville bien fait
qu'il ne l'est aujourd'hui de tomber sur une operette supportable. La
cause en est simple. Les auteurs, quand ils avaient une idee drole, se
contentaient de la traiter en un acte, et le plus souvent l'acte etait
bon, l'interet se soutenait jusqu'au bout. Maintenant, il faut que la
meme idee fournisse trois actes, quelquefois cinq. Alors, fatalement,
les auteurs allongent les scenes, delayent le sujet, introduisent
des episodes etrangers; et l'action se trouve ralentie. C'est ce qui
explique pourquoi, generalement, le premier acte des operettes est
amusant, le second plus pale, le dernier tout a fait vide. Quand meme,
il faut tenir la soiree entiere, pour ne partager la recette avec
personne. Et le mot ordinaire des coulisses est que la musique fait tout
passer.
M. Offenbach est le grand coupable. Sa musique vive, alerte, douee
d'un charme veritable, a fait la fortune de l'operette
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