le sur la scene. Nous ne sommes pas habitues
au rire cruel. Il ferait beau voir un coquin mettant fortement le monde
en coupe reglee. La farce moderne ne m'en parait pas moins devoir etre
dans cette peinture de la sottise des uns et de la coquinerie des
autres, poussee a la grandeur bouffonne. Songez a un Robert Macaire
actuel qui s'agiterait dans notre monde politique et qui monterait au
pouvoir, en jouant de tous les ridicules et de toutes les ambitions de
l'epoque. Le beau sujet, et quelle farce un homme de talent ecrirait la,
s'il etait libre!
LA FEERIE ET L'OPERETTE
I
De grands succes ont rendu l'exploitation de la feerie tres tentante
pour les directeurs. On gagne deux ou trois cent mille francs avec une
piece de ce genre, quand elle reussit. Il faut ajouter, comme les frais
de mise en scene sont considerables, qu'un directeur est ruine du coup,
s'il a deux feeries tuees sous lui. C'est un jeu a se trouver sur la
paille ou a avoir voiture dans l'annee. Le pis est que, la question
litteraire mise a part, une feerie qui aura deux cents representations
ressemble absolument a une feerie qui en aura seulement vingt. Pour
mettre la main sur la bonne, il faut avoir un flair particulier, il faut
sentir de loin les pieces de cent sous, rien de plus. Le hasard remplace
l'intelligence. Le decorateur et le costumier aident le hasard.
La feerie, telle qu'elle est comprise aujourd'hui, n'est plus qu'un
spectacle pour les yeux. Il y a quelques cinquante ans, lors de la vogue
du _Pied de Mouton_ et des _Pilules du Diable_, une feerie ressemblait a
un grand vaudeville mele de couplets, dans lequel les trucs jouaient la
partie comique. Au lieu de palais ruisselant d'or et de pierreries, au
lieu d'apotheoses balancant des femmes a demi nues dans des clartes de
paradis, on voyait des hommes se changer en seringues gigantesques, des
canards rotis s'envoler sous la fourchette d'un affame, des branches
d'arbre donner des soufflets aux passants.
Mais ce genre de plaisanteries s'est demode, l'ancienne feerie a semble
vieillotte et trop naive. Alors, sans songer un instant a renouveler
le genre par le dialogue, le merite litteraire du texte, on a, au
contraire, diminue de plus en plus le dialogue, reduit la piece a etre
uniquement un pretexte aux splendeurs de la mise en scene. Rien de plus
banal qu'un sujet de feerie. Il existe un plan accepte par tous les
auteurs: deux amoureux dont l'amour est contrarie, qui ont pour eux u
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