droles abondent, et il en est quelques-uns
qui sont meme profonds. Mais ce qu'il y a encore de meilleur, ce sont
les dessous que nous mettons nous-memes dans l'oeuvre. Rien n'est au
fond plus terrible que cette figure de Robert Macaire, blaguant tout ce
qu'on respecte, la vie humaine, la famille et la propriete, la force
armee et la religion; seulement, elle se promene dans une telle farce,
elle parle d'un style si plat et elle evite si soigneusement de
conclure, que le public ne saurait la prendre au serieux, ce qui la
sauve du mepris et de la colere. J'ai fait une fois de plus cette
remarque: le mauvais style excuse tout; il est permis de mettre des
monstruosites a la scene, pourvu qu'on les y mette sans talent. Imaginez
la lutte epique de Robert Macaire contre les gendarmes ecrite par un
veritable ecrivain, tiree des puerilites grossieres de la charge, et
aussitot la censure intervient, et tout de suite le public se fache.
Ainsi donc, ce qui nous plait, dans _Robert Macaire_, c'est ce que nous
y mettons. Sous les calembours, sous les scenes de parade, sous le
decousu du dialogue et l'enfantillage de l'intrigue, nous voulons voir
une satire amere contre la societe exploitee par deux fripons, qui, non
contents de la voler, la bafouent et la salissent. Nous poussons les
situations jusqu'a leurs consequences logiques, nous elargissons le
cadre. Souvent, il n'y a qu'un mot vraiment fort; mais ce mot nous
suffit pour ajouter tout ce que les auteurs n'ont pas dit. Ce qui m'a
frappe, c'est que peu de scenes sont faites; le talent a manque sans
doute, les scenes ne sont qu'indiquees, et faiblement. Ainsi, je prends
une scene faite, la scene d'amour romantique entre Robert Macaire et
Eloa, cette scene qui parodie si drolement le lyrisme de 1830. Elle est
remarquable et produit encore aujourd'hui un effet enorme, parce qu'elle
reste dans une gamme d'esprit tres fin et de bonne observation. Prenez,
au contraire, la plupart des autres scenes, toutes celles par exemple
qui ont lieu entre Robert Macaire et les gendarmes; pas une ne satisfait
pleinement, parce que pas une n'est realisee avec l'ampleur necessaire,
avec la maitrise qui met de la realite sous les exagerations les plus
folles. Tout cela ne tient pas, les faits ne font illusion a personne
et les personnages sont des pantins. Des lors, la satire tombe dans le
vaudeville.
Il est vrai que le _Robert Macaire_ pense et ecrit, tel que je le reve,
serait sans doute impossib
|