itique ainsi. J'aime bien a
me rendre compte. J'estime que les choses ont des raisons d'etre. Mais
ou mon anxiete commence, c'est lorsqu'il faut distinguer les nuances du
mediocre. Ce serait une erreur de croire qu'il n'existe qu'un mediocre.
Les genres au contraire en sont tres nombreux, les especes pullulent a
l'infini. Je me souviens toujours de mon professeur de quatrieme, qui
nous disait: "Je classe encore assez vite les dix premieres copies
dans une composition; ce qui m'extenue, c'est de vouloir etre juste et
d'assigner des places aux trente dernieres." Eh bien! ma situation est
pareille a celle de ce professeur, je ne sais le plus souvent comment
classer certaines pieces, de facon a satisfaire absolument ma
conscience.
Vouloir etre juste, c'est tout le role du critique. La passion de la
justice est la seule excuse que l'on puisse donner a cette singuliere
demangeaison qui nous prend de juger les oeuvres de nos confreres. Mon
professeur avouait parfois que, desesperant d'etablir une difference
appreciable du mauvais au pire dans les toutes dernieres copies, il les
placait au petit bonheur, en tas. Voila ce qu'il faudrait eviter. Ou
diable placer _Niniche_? car Niniche m'a fait rire, et elle a droit a
une place. Est-ce que _Niniche_ vaut mieux que telle ou telle piece,
dont les titres m'echappent? Grave question. Je creuserais cette etude
pendant des journees sans pouvoir peut-etre trouver des arguments
decisifs. Pourtant, je veux etre equitable. Les critiques qui font
profession de toujours partager l'avis du public et qui trouvent bon ce
qui l'amuse, croient en etre quittes avec _Niniche_, en la traitant de
vaudeville amusant. C'est la un jugement trop commode. _Niniche_ est un
symbole, la piece idiote qui a un succes comme jamais un chef-d'oeuvre
n'en aura, et qui gratte la foule a la bonne cote, la cote joyeuse,
selon le joli mot de nos peres. Les belles filles tombent en pamoison,
lorsqu'on avance les mains vers leur taille. Pourquoi le public se
pame-t-il, quand on lui joue _Niniche_? J'exige un commentaire.
L'intrigue est la premiere venue. Un diplomate polonais, le comte
Corniski a epouse la belle Niniche, une "hetaire" parisienne, sans avoir
le moindre soupcon de sa vie passee. Il la ramene en France, ou il est
charge d'une mission. Mais la comtesse est reconnue a Trouville par le
jeune Anatole de Beau-persil. Elle apprend, grace a lui, qu'on va vendre
ses meubles, et elle se desole, a la crainte d'un
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