l'on croit pris tout entier
quand on l'a vu rire ou pleurer, a de terribles revanches; il juge
son emotion et il se revolte, si l'on s'est moque de lui. Telle est
l'explication du dedain que nos petits-fils montreront pour certaines
oeuvres acclamees aujourd'hui dans nos theatres.
M. Delpit vient de reveler un temperament d'homme de theatre.
Maintenant, il faut qu'il produise. Deux routes s'ouvrent devant lui:
l'oeuvre de convention et l'oeuvre de verite, l'analyse humaine et la
fabrication dramatique. Dans dix ans, on le jugera.
LA PANTOMIME
Il vient de se faire, au theatre des Varietes, une tentative tres
interessante, et dont le succes a d'ailleurs ete complet. Je veux parler
de l'introduction de la pantomime dans la farce. Frappe du triomphe que
les Hanlon-Lees, ces mimes merveilleux, obtenaient aux Folies-Bergere,
le directeur des Varietes a eu l'idee heureuse de commander une piece,
une farce, dans laquelle les auteurs leur menageraient une large part
d'action. Il s'agissait donc de leur fournir un theme, de les placer
dans un cadre dialogue, ou ils pussent se mouvoir avec aisance. Le
projet etait des plus ingenieux et des plus tentants. C'etait produire
les Hanlon devant le grand public et elargir leur drame muet d'un drame
parle, qui menagerait l'attention des spectateurs.
Nous ne sommes pas en Angleterre, ou l'on supporte parfaitement une
pantomime en cinq actes durant toute une soiree. Notre genie national
n'est point dans cette imagination atroce d'une grele de gifles et de
coups de pied tombant pendant quatre heures, au milieu d'un silence de
mort. L'observation cruelle, l'analyse feroce de ces grimaciers qui
mettent a nu d'un geste ou d'un clin d'oeil toute la bete humaine, nous
echappent, lorsqu'elles ne nous fachent pas. Aussi faut-il, chez nous,
que la pantomime ne soit que l'accessoire, et qu'il y ait des points de
repos, pour permettre aux spectateurs de respirer. De la l'utilite du
cadre impose a MM. Blum et Toche, les auteurs du _Voyage en Suisse_. Ils
ont ete charges de presenter les Hanlon au grand public parisien, en
motivant leurs entrees en scene et en embourgeoisant le plus possible la
fantaisie sombre de leurs exercices.
Le gros reproche que j'adresserai aux auteurs, c'est d'avoir trop
embourgeoise cette fantaisie. Leur scenario n'est guere qu'un
vaudeville, et un vaudeville d'une originalite douteuse. Cet
ex-pharmacien qui se marie et que des farceurs poursuivent pendant son
v
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